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Corinne Maury
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Si l'on se déplace souvent à pied au cinéma, l'acte cardinal et primordial de la marche est volontiers éclipsé. Jugée anti-spectaculaire, lieu par excellence de l'ellipse cinématographique, la marche est, majoritairement au cinéma, un geste banal dont il faut limiter l'amplitude temporelle, au prétexte de son indigence narrative. Toutefois, certaines marches cinématographiques contemporaines construisent des arpentages qui se révèlent politiques, critiques, utopiques ou encore privés d'utopies. Marcher dans le monde du dehors, c'est être pris dans un quadrillage de lignes politiques où le quotidien agit sur nos existences motrices, tantôt les limite, les oriente, les restreigne, tantôt nous fait dériver, transgresser, résister. Des lignes quotidiennes de survie (L'homme sans nom de Wang Bing) aux lignes embourbées de Karrer dans la Hongrie post-communiste, (Damnation de Béla Tarr), des lignes de fuite en zigzags du bandit Carol Izba sur le Causse du Larzac (Du soleil pour les gueux d'Alain Guiraudie) aux lignes ralenties à l'extrême du Walker de Tsai Ming-Liang dans Hong Kong, un pan de cinéma contemporain a fait sienne cette modalité d'ancrage par le mouvement. Dans ces films, la marche participe d'un déchiffrage du dehors, elle en révèle les dynamiques complexes qu'elle expose comme des matérialités chargées d'historicités influant, modelant ou accueillant les existences. La marche géo-quotidienne assume haut et fort une réflexivité qui, plutôt que de se couper de l'espace social, l'inclut dans son allant. Elle est moins une sortie du monde qu'une entrée dans le monde. L'être en marche dit sans ambages « le métier de vivre ».
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Jeanne Dielman 23, quai du commerce, 1080 bruxelles de chantal akerman - cote films #41
Corinne Maury
- Yellow Now
- 8 Octobre 2020
- 9782873404604
Jeanne, veuve d'une quarantaine d'année, vit avec son fils Sylvain. Elle prépare le repas, range la chambre, se prostitue, se lave, fait la vaisselle. Dans Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles, Chantal Akerman compose un inventaire actif de l'économie domestique, où le scénario gestuel supplante le scénario à histoire. Dans ce huis-clos, qui s'écoule sur une période de trois jours, Chantal Akerman confère au récit la puissance d'une enquête où le quotidien, sans être le principal suspect, est également suspecté. Dans cette histoire sans histoire, traversée par une gestuelle méticuleuse et machinale, rien ne déborde mais tout couve.
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La pluie, météore ordinaire, a souvent mauvaise réputation : elle assiège l'horizon d'un voile gris-noir, vide les lieux, et pousse au refuge. La pluie contraint, limite, et importune. Le monde du cinéma accueille difficilement cet aléa météorologique qui perturbe les plans de tournage. Le plus souvent, les cinéastes font parader la pluie pour engendrer chez le spectateur un sentiment de tristesse, pour ponctuer une narration ou charger l'atmosphère d'une dimension tragique. Il s'agira dans cet essai de dépasser le seul constat climatologique d'un Il pleut dans l'histoire, de questionner des images de pluie qui l'emportent sur la simple « fioriture » atmosphérique et qui combattent les clichés.
Béla Tarr, Andreï Tarkovski, Naomi Kawase, Joris Ivens, Brillante Mendoza, William Wellman ou encore Akira Kurosawa ont su donner à la pluie une estime, un espace, une temporalité. Dans leurs films, la pluie n'est pas simplement un ruissellement décoratif qui emplit le cadre. La pluie y est un motif, une figure vivante qui dynamise l'espace cinématographique. Elle s'y propage tel un courant, un flot, un flux, une énergie physique ; elle stimule, accroche, ralentit ou déstabilise le récit par sa vitalité. Ces cinéastes n'utilisent pas la pluie pour étoffer anecdotiquement l'ambiance d'une scène, mais l'y intègrent comme une vigueur réelle qui précise, bloque ou façonne l'état des choses. Ces pluies affinent la perception des lieux, des paysages, et remuent, selon leurs caractères calmes, violents, passagers ou durables, l'existence des hommes.
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Du parti pris des lieux dans le cinéma contemporain : Akerman, Alonso, Costa, Dumont, Huillet & Straub, Mograbi, Tarr...
Corinne Maury
- Hermann
- 21 Mars 2018
- 9782705695293
Que peut le lieu au cinéma, lorsqu'il n'est pas limité à être le décor de l'action, ni même confondu avec le paysage, encore moins réduit à un espace à parcourir ou encore amalgamé à une espèce de neutralité territoriale ? Des cinéastes tels que Chantal Akerman, Lisandro Alonso, Pedro Costa, Bruno Dumont, Béla Tarr, Avi Mograbi, Tariq Teguia, Philippe Grandrieux, Danièle Huillet & Jean-Marie Straub ou encore Sharunas Bartas choisissent de ne pas (con)centrer exclusivement la narration cinématographique sur la seule trajectoire des personnages. Les lieux qu'ils figurent à l'écran sont des spatialités telluriques, des territoires d'habitation, des matrices existentielles où se mobilisent des manières de faire et de vivre, où s'accomplissent tant des forces d'émancipation que des adynamies existentielles. Cellule d'accueil, pivot remarquable, refuge de trajectoires individuelles et communautaires, le lieu au cinéma rayonne tantôt comme un chantier précaire, tantôt comme une fortification inébranlable.
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Certains cinéastes dits « du réel » n'ont pas pour intention de « documenter » objectivement le monde ni de faire preuve par le visible. À l'instar des poètes littéraires, ils cherchent davantage à restituer des présences du monde plutôt que d'en créer des représentations. Il s'agit pour eux de s'affranchir des images immédiates et familières du monde, de s'aventurer dans des territoires minoritaires, de s'affronter aux clichés qui, trop souvent, recouvrent les complexités du réel. [.] [.] Pour faire advenir à l'écran de nouvelles présences et restituer cinématographiquement des habitations (poétiques) du monde, ces cinéastes font violence aux vocabulaires classiques du cinéma du réel. Par l'emploi de figures poétiques singulières, ils étourdissent le paraître du réel, provoquent la carapace ordinaire des choses et ainsi nous déshabituent du monde afin de donner à voir et à entendre un autre du monde. Cet ouvrage analyse les écritures filmiques de cinéastes tels que Chantal Akerman, Naomi Kawase,Alain Cavalier, Jean-Daniel Pollet, André S. Labarthe, Sergueï Loznitsa,Yervant Gianikian et Angela R. Lucchi, Frank Cole, Arnaud Des Pallières ou encore Irit Batsry. En faisant un éloge du minoritaire, en oeuvrant à une poétique du peu, ces cinéastes du réel convoquent des présences ténues, souvent oubliées ou négligées. Ils convient le modeste, le banal, l'informe, les ruines, à prendre place dans une nouvelle architecture du réel.
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Béla Tarr : de la colère au tourment
Sylvie Rollet, Corinne Maury
- Exhibitions International
- Yellow Now
- 10 Mars 2016
- 9782873403737
Béla Tarr déclarait en 1987 : " Je déteste les histoires, puisque les histoires font croire qu'il s'est passé quelque chose. Or il ne se passe rien : on fuit une situation pour une autre. De nos jours, il n'y a que des situations, toutes les histoires sont dépassées. Il ne reste que le temps. La seule chose qui soit réelle, c'est probablement le temps. " Ces propos, qui sont programmatiques de l'oeuvre du cinéaste, éclairent ce qui l'a amené - à l'orée des années 80 - à abandonner l'approche sociocritique qui fondait ses premiers films dont les histoires humaines étaient tissées des espoirs déçus du communisme.
Avec la " trilogie démoniaque " (Damnation, Sátántangó, Les Harmonies Werckmeister), Béla Tarr entame une collaboration avec le romancier László Krasznahorkai. Il ne cessera, dès lors, de filmer les laissés pour compte qui parcourent les plaines boueuses de la Hongrie postcommuniste et s'égarent dans des bars vétustes, manipulés par de petits escrocs. Il élit un formalisme cinématographique strict et singulier : pellicule noir et blanc, travellings latéraux, longs plans au steadycam accompagnant ceux qui errent, filoutent, épient ou, simplement, attendent.
Enfermés dans des situations de désintégration de plus en plus radicales, hommes et animaux ont surtout pour lien la pluie, le vent et la boue qui rythment le quotidien. De la colère et de la révolte des premiers films aux oeuvres récentes empreintes de désillusion, cet ouvrage propose de questionner l'oeuvre d'un cinéaste majeur et pourtant trop méconnu. Une oeuvre où se manifeste, dans un formalisme radical à la beauté noire, le déclin inflexible des existences et le passage implacable du temps.
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Filmer les frontières
Corinne Maury, Philippe Ragel
- Pu De Vincennes
- Esthetiques Hors Cadre
- 11 Mars 2016
- 9782842924591
Cet ouvrage entend se placer sous le signe d'une double matrice, esthétique et politique. Des cinéastes tels que Théo Angelopoulos, Chantal Akerman, Jean-Luc Godard, Atom Egoyan, Tariq Teguia, Sylvain George ou encore Park Chan wook ont filmé les lignes frontalières afin d'en montrer les usages, les tensions et les drames.
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Jardins du Riesthal
Jean-Christophe Bailly, Corinne Maury, Anne Immelé
- Médiapop
- 21 Octobre 2022
- 9782491436599
Les jardins du Riesthal montre l'évolution de la nature dans un jardin familial (auparavant jardin ouvrier) situé à Mulhouse. Au fil des années, la parcelle est passée d'un terrain nu à un oasis accueillant une grande variété de plantes. La nature a en partie été laissé libre d'agir et a ainsi permis aux plantes vagabondes et sauvages de cohabiter avec les plantes cultivées. Il en résulte un jardin vivant et en perpétuelle reconfiguration. La série est aussi élargie aux autres parcelles du site, présentant d'autres approches de la culture potagère. Les photos revêtent aussi une dimension sensorielle liée au temps des étés et des jeux d'enfants.