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Arts et spectacles
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Considéré par la critique comme un des pires films du cinéma fran-çais, La Soupe aux choux n'en fait pas moins partie intégrante de la culture populaire. Exemple même du mauvais objet, l'avant-dernier film de Louis de Funès est ici et pour la première fois pris au sérieux, sans hauteur ni mépris, sans complaisance non plus, avec juste une pointe de provocation. Le présent essai propose une nouvelle lecture d'une oeuvre qui pourrait bien représenter ce que ses concepteurs avaient précisément et délibérément voulu qu'elle soit. À savoir, une adaptation fidèle du roman éponyme de René Fallet, auteur à l'écriture jubilatoire et rabelaisienne ; un ultime pari pour l'acteur, tournant ici le dos à sa caricature de père de famille normatif et de patron tyran-nique ; un hymne au langage truculent ; un surprenant portrait de femme, défiant les codes du cinéma commercial alors en vigueur ; et plus encore un film visionnaire conspuant l'expansion économique qui transforme les campagnes en déserts, voire en parcs d'attraction. Avec nuances et mesure, l'analyse de Thibaut Bruttin tend à rétablir dans sa dignité ce qu'il qualifie de conte voltairien. Gageons avec lui que si La Soupe aux choux fume encore, c'est probablement qu'elle avait quelque chose à nous dire. En complément, on trouvera un entretien avec le réalisateur François Ruffin à propos de la culture populaire, une fantaisie paradoxale du cinéaste Olivier Smolders autour du mauvais objet, un portrait vibrant de l'acteur Jacques Villeret par le critique Jean-Marie Samocki.
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Michel Audiard-Jean Herman/Vautrin
Michel Audiard, Thibaut Bruttin, Jean Vautrin
- Actes Sud
- Institut Lumiere
- 25 Octobre 2023
- 9782330183004
Quand Philippe de Broca l'invite à écrire les dialogues de L'Incorrigible (1975), Michel Audiard «saute sur l'occasion» de retourner à son métier originel. Le succès déclinant de neuf réalisations en six ans l'a isolé dans la profession mais, véritable phénix du cinéma français, Michel Audiard signe vingtquatre dialogues en une décennie avec une reconnaissance croissante dans le monde des lettres et dans celui du cinéma, jusqu'à obtenir un César en 1982.
Jean Herman (1933-2015) ne peut être dissocié de ce retour en forme. Au milieu des années 1970, le réalisateur d'Adieu, l'ami publie Billy-Ze-kick sous le pseudonyme de Jean Vautrin et s'impose comme une des figures du néo-polar. Entre Michel Audiard et Jean Herman, entre le «petit cycliste» et son désormais voisin de Dourdan, s'établit une collaboration au long cours sur une douzaine de scénarios.
En commun, une même aspiration à la littérature et une pudeur semblable devant les drames de l'existence. Bien que faisant avant tout oeuvre de scénaristes, Michel et Jean demeurent des écrivains, unis fraternellement et joyeusement dans l'intimité de l'écriture et l'exigence du travail du verbe.
Si le scénariste destine son texte à l'écran, la page s'avère son horizon premier. Trois scénarios sont ici édités, présentés et annotés pour s'approcher au plus près de l'acte créateur et retracer le cheminement du projet, depuis le choix du sujet jusqu'au film achevé : Flic ou voyou (Georges Lautner, 1979), L'Entourloupe (Gérard Pirès, 1980) et Garde à vue (Claude Miller, 1981). -
Au printemps 2020, la Cinémathèque française consacre pour la première fois une grande exposition à un acteur : Louis de Funès. Elle célèbre celui qui est resté à travers le temps le comique préféré des Français. Héritier de la grande tradition burlesque, il a déjà fait rire des centaines de millions de spectateurs sur cinq générations dans toute l'Europe et à travers le monde et ce n'est pas fini. De Funès a fait mentir l'idée que la comédie française ne s'exporte pas. Il incarne le Français qui malgré ses pires défauts sait se rendre attachant. Sa filmographie se confond avec une histoire alternative de la France, des années noires de l'Occupation au technicolor des Trente Glorieuses. Ses rôles décrivent l'ascension d'un sans-grade de l'après-guerre vers le star system, du petit chef au chef d'orchestre, des privations à la société de consommation.
Le livre qui accompagne l'exposition constitue la première somme sur cet auteur comique au tempo intemporel et universel. Il s'éloigne de la biographie pour démonter les rouages de son comique et explorer les thématiques qui traversent son cinéma : le lien au corps, au genre, la relation à la nourriture, sa signification politique... L'ouvrage, illustré de très nombreux documents, rassemble une quinzaine d'essais inédits signés par des historiens et critiques de cinéma de renom (Bertrand Dicale, Stéphane Lerouge, Jean-Baptiste Thoret, Jean Ollé-Laprune...) et d'interviews avec des auteurs et des artistes qui furent ses complices comme la cinéaste et scénariste Danièle Thompson, fille de Gérard Oury, ou le cinéaste Serge Korber ; ses partenaires comme son fils, Olivier, Mylène Demongeot, Henri Guybet, Bernard Menez, et des acteurs contemporains comme Alexandre Astier ou Dany Boon, qui viennent dire le rôle qu'a eu pour eux Louis de Funès.