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jean rouaud
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Jean Rouaud enquête sur l'origine du tableau représentant Rimbaud alité, exposé au musée Rimbaud de Charleville, d'un peintre dont on ne trouve nulle trace. Son périple amusé et érudit nous emmène dans le voisinage du jeune poète et des artistes de l'époque afin de découvrir qui se cache derrière le mystérieux Jef Rosman. Suit un deuxième tableau, daté de 1936, représentant trois musiciens qui marchent dans un paysage enneigé. Long poème en vers libres mettant en scène un inquiétant tour de passe-passe : en même temps que la musique amplifiée nous rend sourds aux bruits du monde le ciel se vide du chant des oiseaux. Avec la participation de Robert Johnson, Bob Dylan, Rameau et du violon hérité du grand-père. Dans un dernier texte, Jean Rouaud s'intéresse au film de Ryusuke Hamaguchi Le mal n'existe pas, lequel, sous couvert d'une fable écologique, conduit à s'interroger sur l'épuisement d'un genre qu'on appelait il n'y a pas si longtemps le cinéma. Autour de trois tableaux, ces trois textes se complètent en un ensemble captivant, remarquable d'intelligence et de virtuosité.
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Cycle de la Loire inférieure Tome 1 : Les champs d'honneur
Jean Rouaud
- Folio
- Folio
- 12 Juin 2025
- 9782073054302
«Grand-père prenant le volant d'une autre voiture, elle s'installait sans rechigner à ses côtés. Car à toutes elle trouvait du charme, sauf à la 2CV. Pour elle, cette voiture n'était pas adaptée au climat océanique. Pour traverser des déserts, escalader le Hoggar, comme les jeunes gens s'y risquaient, parfait. Mais la Loire-Inférieure, là, c'était une autre histoire.» Au lendemain de la guerre, près de Nantes, une famille renoue avec l'insouciance et les joies d'un quotidien ordinaire. Mais bien des années plus tard, elle est rattrapée par une douloureuse «loi des séries» : le père, la grand-tante et le grand-père disparaissent à quelques semaines d'intervalle. À travers ces destins familiers emportés dans les soubresauts du XXe siècle, Jean Rouaud se fait archéologue de l'intime et ressuscite, avec une tendre ironie, la grandeur de ses héros les plus discrets.
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Les champs d'honneur
Jean Rouaud, Jeanne Moreau
- Éditions de Minuit
- Minuit Double
- 19 Avril 1996
- 9782707315656
Ils sont morts à quelques semaines d'intervalle : d'abord le père, puis la vieille tante de celui-ci, enfin le grand-père maternel. Mais cette série funèbre semble n'avoir fait qu'un seul disparu : le narrateur, dont le vide occupe le centre du récit. C'est à la périphérie et à partir d'infimes indices (un dentier, quelques photos, une image pieuse) que se constitue peu à peu une histoire, qui finira par atteindre, par strates successives, l'horizon de l'Histoire majuscule avec sa Grande Guerre, berceau de tous les mystères.
Les Champs d'honneur constitue le premier volet d'une suite romanesque qui se poursuit par Des hommes illustres (sur la figure du père), Le Monde à peu près (sur le deuil du père) et Pour vos cadeaux (portrait de la mère), et qui se clôt avec Sur la scène comme au ciel (la cérémonie des adieux), l'ensemble composant une sorte de livre des origines. -
Cycle de la Loire inférieure Tome 2 : Des hommes illustres
Jean Rouaud
- Folio
- Folio
- 12 Juin 2025
- 9782073084866
«La mer était déjà là aux premiers matins du monde. Mais ce côté fuyant, cette eau qui dort au-dessus des gouffres, cette vague qui va et vient sans se décider vraiment - la mer ne correspond en rien à notre père. Lui, on le rangeait spontanément dans la catégorie des solides.» Jean Rouaud dresse le portrait de son père Joseph, un homme héroïque comme il en existe des millions. De ceux qui, pour assurer un semblant de bien-être à leur famille, sont rattrapés par un quotidien dévorant et laissent de côté les aspirations de leur jeunesse. Celui qui fut autrefois un «grand jeune homme» aux talents multiples, aimant la scène et la compagnie, n'eut que le tort d'avoir vingt ans au moment où l'Europe basculait dans un nouveau conflit mondial. Son heure de gloire est venue ensuite : il eut la chance de devenir brièvement pour son fils, loin du théâtre absurde de la guerre, un homme illustre.
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Plus d'un siècle qu'on lui reproche sur tous les tons d'avoir à vingt ans abandonné la poésie. Or personne ne s'est demandé si ce n'était pas plutôt elle, la poésie, qui s'était dérobée sous ses «semelles de vent», devenue obsolète, désuète, avec ses alexandrins marchant d'un pas militaire à la rime, inapte à rendre compte des prodigieux changements que la technologie et l'industrie, au nom du Progrès, imposaient à la société de son temps. Et le jeune Rimbaud en fut le témoin, qui fut hébergé par Charles Cros, poète et inventeur du phonographe, qui fréquenta Paul Demeny dont le frère Georges fut un des pionniers du cinéma, qui connaissait par Cabaner les discussions enflammées du café Guerbois où Monet, Manet, Cézanne procédaient au dynamitage de l'académisme. «Il faut être absolument moderne», lâche-t-il dans Une saison en enfer, moins pour s'en convaincre que reprenant un mantra du temps. Et la poésie dans tout ça ? Il s'en était ouvert à Banville, alors grand maître du Parnasse : «Ne va-t-il pas être bientôt temps de supprimer l'alexandrin ?» avant d'exécuter lui-même la sentence dans les Illuminations. Et à Germain Nouveau qui se proposait de l'accompagner à Londres : «La poésie écrite ne me dit plus rien. Je préfère les voyages.» Et il partit.
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Comment gagne-t-on un Goncourt ?
Le parcours inespéré de Jean Rouaud qui reçut le prix en 1990.
Paris, rentrée littéraire 1990.
On pourrait croire que le prix Goncourt récompense le seul mérite d'un livre. Ô naïveté, les arcanes de l'édition ne fonctionnent pas sur des critères aussi élémentaires. C'est oublier les intérêts économiques, les rivalités, les ambitions, de sorte que les jurés furent soulagés de s'offrir une année blanche en attribuant leur prix à un innocent n'ayant rien à voir avec le milieu (on raconte qu'il vend des journaux dans un kiosque du 19e arrondissement de Paris), qui plus est l'auteur d'un livre paru aux très austères et très chics éditions de Minuit.
« Un braquage époustouflant. » Le Monde -
Nécessaire d'écriture : Conseils aux jeunes romanciers
Jean Rouaud, Nathalie Skowronek
- Seghers
- 19 Septembre 2024
- 9782232147791
Un Nécessaire d'écriture qui puise autant dans l'histoire des lettres que dans l'exercice des ateliers d'écriture pour percer les secrets de la création littéraire.
" Écrire, c'est se perdre avec l'air de celui qui semble savoir où il va, car écrire passe par cet état de perte, hors de contrôle, qu'il sera toujours temps de contrôler. Il faut accepter cet inconfort, suivre le mouvement de son texte et lui faire confiance jusqu'à gagner en liberté et ouvrir son imaginaire. Au fil des expérimentations, on cherche à trouver son propre gabarit littéraire, autrement dit, sa langue, sa forme, son propos.
Écrire, c'est aussi se confronter à un formidable catalogue d'oeuvres qui font la littérature. Si elles nous fascinent tant, c'est que nous y avons appris à voir le monde par les yeux de celles et ceux qui se sont posé les mêmes questions adaptées à leur époque, suscitées par elle et la longue mémoire des siècles " (J. R. et N. S.).
Comment Racine, Flaubert ou Proust se sont-ils " trouvés " ? Et tant d'autres, de Kerouac à Bernhard, de Woolf à Duras, en quoi leur oeuvre peut-elle apporter des réponses aux romanciers en proie à la passion d'écrire, mais aussi aux blocages, aux doutes, aux errances... ? Puisant dans l'histoire des lettres comme dans la pratique des ateliers d'écriture, Jean Rouaud et Nathalie Skowronek nous proposent un voyage aux sources de la création, mêlé de conseils et d'exercices, pour délivrer un art poétique tout personnel. -
Shabbat, ma terre : Trois propositions pour repousser le jour du désastre
Jean Rouaud
- Gallimard
- 23 Mars 2023
- 9782073028655
«Pas de shabbat, pas de dimanche pour les machines. Et les hommes suivent au rythme infernal du cirque consumériste. Et ça se dit libre.»Jean RouaudAlors que le débat sur la place du travail dans nos vies anime à nouveau la société française, il est utile de nous remémorer le jour de paresse que, selon les Écritures, s'octroya le Créateur au septième jour de la Genèse. Cette sagesse n'est certes pas celle des hommes, occupés depuis le Néolithique, et l'invention géniale de l'agriculture, à exploiter sans répit ni mesure ce qui leur a été donné : la Terre, les animaux et eux-mêmes. Exploiter jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à tirer, exploiter jusqu'à l'épuisement de toutes nos vraies richesses, naturelles et humaines. Comme Dieu le fit pour lui-même, et à l'exemple de ce que fut la succession des saisons, octroyons-nous ce temps de repos, laissons vivre le vivant et, avant qu'il ne soit trop tard, accordons des vacances à la terre : «Vacances pour la Terre, Repos la Terre, Shabbat ma Terre».
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C'est la plus belle énigme de l'histoire du monde. Litanie de splendeurs : Lascaux, Rouffignac, Niaux... Ceux qu'on se figurait en brutes épaisses tout juste descendues du singe en savaient aussi long que nous sur la meilleure part de nous-mêmes. Il nous reste à imaginer ce qui leur passait par la tête, comment ils en vinrent à s'enfoncer sous terre, en rampant parfois, pour inventer le premier coup de pinceau et peindre des merveilles.Un essai sur les débuts de l'histoire humaine et la naissance de la création artistique, par l'auteur des Champs d'honneur (prix Goncourt 1990).
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Du père, on ne savait que peu de choses, sinon que sa mort, à quarante et un ans, un lendemain de Noël, avait entraîné, par une sorte de « loi des séries », celles de la petite tante Marie et du grand-père maternel. Quel était donc cet homme qui avait ce pouvoir de faire le vide derrière lui ? Un homme illustre ? Comme il en existe des millions. De ceux qui se tuent à la tâche pour assurer un semblant de bien-être à leur famille et qui, rattrapés par un quotidien dévorant, ont enterré prématurément les aspirations de leur jeunesse. Tout comme ce « grand jeune homme », orphelin, aux talents multiples, aimant le théâtre et la compagnie, qui n'eut que le tort d'avoir vingt ans au moment où l'Europe rejouait un « remake », plus sanglant encore, du premier conflit mondial.
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Jean Rouaud mène ici une analyse alerte et brillante de la progressive marginalisation des poètes et de la poésie, proportionnelle à la prise de pouvoir inverse des valeurs bourgeoises et du réalisme. Cette réflexion est composée de textes brefs, en vers ou en prose dans une écriture vivante, rythmée, impliquée : une sorte d'art poétique qui interroge la tradition autant que l'aujourd'hui pour réaffirmer la nécessité du chant. Flamboiement de la métaphore est un éloge résolu de la poésie et du lyrisme.
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Kiosquier de la rue de Flandres, de 1983 à 1990, Jean Rouaud a disposé d'une fenêtre sur le Paris populaire, cosmopolite. Défilent les figures pittoresques du quartier, galerie d'éclopés, de vaincus, de ratés, de rêveurs, dont le destin inquiète l'apprenti-écrivain engagé dans sa quête littéraire encore obscure, et qui se voit vieillir comme eux. Au-delà, on retrouve l'aventure d'un homme qui se fait l'archéologue de sa propre venue aux mots.
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L'avenir des simples ; petit traité de résistance
Jean Rouaud
- Points
- Points Document
- 11 Mars 2021
- 9782757887936
L'heure est grave : ravages du glyphosate, des pesticides et herbicides, dégâts causés par le règne des « multi-monstres » et de l'oligarchie financière, massacres des animaux pour garnir nos assiettes... Notre monde va mal, très mal. Pour faire face, Jean Rouaud invite à une révolution des esprits : adopter une alimentation respectueuse de l'environnement, refuser la surconsommation, prendre le temps de vivre et de se soucier des autres. Implacable et passionnant, L'Avenir des simples est un traité de résistance pour l'humanité. Notre humanité.
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Pour son Petit Écart, Jean Rouaud a souhaité rassembler 5 textes dont un inédit sous le titre de Plumes et goudron. Ce titre, aux consonances western, il l'explique ainsi : « Plumes parce que c'est de l'écriture, goudron parce que c'est mettre les mains dans le cambouis, et plumes et goudrons parce qu'il y en a qui le méritent. ».Indéniablement politique, ce livre est celui d'un homme qui dit son mot sur les affaires du monde.
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" Chaque fois qu'on se met à la recherche d'un esprit libre, c'est vers lui qu'on se tourne. Toujours. " " Chaque fois qu'on se met à la recherche d'un esprit libre, c'est vers lui qu'on se tourne. " Parce que l'intolérance et la barbarie menacent toujours et encore, et parce qu'il estime que Montaigne, avec sa parole de la fin du XVIe siècle, offre la réponse la plus pertinente à l'oeuvre destructrice des fous de Dieu, Jean Rouaud a imaginé un affrontement entre l'auteur des Essais et un juge sectaire chargé de mener son procès. " Un jugement pour de faux pour tenter de dire le vrai. " " C'est ici un livre de bonne foi, lecteur " : ainsi commencent les Essais. Quelle audace quand, au temps des guerres de Religion, c'est précisément cette question de la bonne foi qui divise l'Europe... Jean Rouaud propose cette clef pour éclairer l'oeuvre de Montaigne et son humanisme intemporel.
Dans cette tragi-comédie, qui mêle vers rimés et non rimés, morceaux choisis, étude littéraire et réflexion politique, Jean Rouaud s'adonne à une écriture poétique, étonne, amuse et s'amuse, et trouve un terrain où s'exercent sa virtuosité comme son humour, mais aussi sa capacité d'indignation. -
'Une vie poétique ? Disons une vie dont la poésie est le guide-fil. On embarque avec un héritage (des valeurs pieuses, un père mort, une enfance pluvieuse), avec un désir d'écriture, un rêve d'amour, et puis, son maigre bagage sur le dos, on traverse un territoire marqué par des événements, ici l'onde de choc de mai 68. Ce qui oblige à répondre à la question : qu'est ce que l'époque m'a fait ? Elle m'a fait qu'à vingt ans, par exemple, il n'était pas envisageable de penser sérieusement à travailler ? ce qui allait bien avec l'idée poétique ? et encore moins honnêtement quand, dans les milieux marginaux qui quittaient la ville pour s'installer en communauté à la campagne, on vivait surtout de combines et de rapines. Elle m'a fait que, dans ce juste refus du règne de l'argent et des mirages consuméristes, il ne restait plus que les petits boulots pour survivre. Et ce qui devait être une vie insouciante, libre et joyeuse se transformait, les années passant, d'une enquête sur un apéritif à la gentiane à la vente d'une encyclopédie médicale au porte-à-porte, en un sentiment de gâchis.' Jean Rouaud.
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La bande-son de notre enfance était rudimentaire : les cloches de l'église, le chant des coqs, et derrière le mur du jardin les seules notes d'un piano sous les doigts d'Emile. Cette pauvreté musicale était d'autant plus étonnante que nous venions d'une famille de musiciens. Ma mère qui dans le souvenir de sa soeur jouait si bien, pourquoi nous avait-elle privés de musique quand on apprenait qu'un naufragé volontaire avait dû son salut aux partitions de Bach embarquées dans son canot ? C'est ainsi que je mis les bouchées doubles pour rattraper le temps perdu, jouant mal de plusieurs instruments, courant les routes, une guitare en bandoulière, sommant une charmante vieille dame de me donner des cours de piano, reprenant dans un anglais approximatif les hymnes du temps, demandant au jeune homme sombre derrière l'écran de ses cheveux de mettre en refrain sa mélancolie.
"Si je me plains c'est une espèce de façon de chanter", écrivait Rimbaud à sa mère, du rocher brûlé d'Aden. Voilà très précisément ce qu'il faut entendre : une espèce de façon de chanter.
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états provisoires di poème XV: esprit public
Jean Bellorinie, Claude Hagège, Nimrod, Jean Rouaud, Christian Schiaretti, Michel Vinaver
- Cheyne
- 4 Janvier 2016
- 9782841162239
Si l'on veut bien admettre que l'art, le théâtre, la poésie ne sont pas des affaires privées mais qu'ils sont par essence des biens publics, nécessairement à partager puisqu'ils sont dans la cité l'occasion d'une émancipation collective des consciences, quelles conséquences pour ceux qui en sont les protagonistes ?
Quelle sorte de contrat, implicite ou explicite, symbolique et financier, s'établit entre public, artistes et pouvoirs publics ?
C'est à ces questions que, chacun à sa manière, directe ou allusive, répondent les contributeurs de ces XVes États provisoires du poème, dans une période où le retrait de l'État et des collectivités territoriales dans tous les domaines de la création fait craindre que se perde cet esprit public qui a fondé historiquement la politique culturelle de notre pays.
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Si l'on en croit les fresques du Tassili et du Levant espagnol, la guerre, c'est-à-dire l'affrontement de deux groupes armés, serait une invention du néolithique, et la cause, selon de purs critères économiques, en serait la convoitise des biens produits par l'agriculture et l'élevage, apparus dans le même temps.
Quelques milliers d'années plus tôt, à l'époque glaciaire, les mêmes s'inclinaient devant les seigneurs de la toundra : bisons, mammouths, aurochs etc. qu'ils représentaient avec déférence dans la ténèbre des grottes, ne se jugeant pas dignes de figurer à leurs côtés. De quoi nourrir frustration et esprit de revanche. D'autant que cette primauté accordée aux grands animaux, est la place divine.
Place que rappellent les Crows à Jeremiah Johnson quand il viole le cimetière des ancêtres dans le film de Sidney Pollack, que rappellent les paysans de La Ville-aux-fayes au général Montcornet dans les Paysans de Balzac dont le premier titre, choisi par lui, était Qui terre a, guerre a.
On peut même considérer que c'est avec le ciel que la terre est en guerre. Et aujourd'hui, c'est le ciel qui regimbe et s'échauffe face aux méthodes brutales de l'agriculture dont les « progrès » (nitrite, pesticides, fongicides) sont un héritage direct des guerres du XXème siècle. -
«À ce moment précis la littérature n'a tenu qu'à un fil. Deux amis conseillaient à un troisième qui venait de leur lire une longue mélopée dans laquelle il avait mis le meilleur de lui-même, de carrément laisser tomber. Pas grave, dirons-nous. La littérature s'en remettra. Oui, mais plus comme avant. La littérature pour survivre passe ici, à Croisset, près de Rouen, par un renoncement. Car le jeune Gustave, fils bon à rien du docteur Flaubert, jusque-là s'en faisait une autre idée. Pendant de longs mois il s'était donné dans sa Tentation de saint Antoine des éperduments de style qu'il ne retrouverait jamais. Pour l'opérer de son cancer du lyrisme, Maxime Du Camp et Louis Bouilhet, les deux amis, lui prescrivent un traitement de cheval : écrire un roman à la Balzac, terre à terre. Ce sera, contraint et forcé, Madame Bovary. Pas commodes, les temps qui s'annoncent pour ceux-là qui privilégient la phrase et le chant. Désormais le réalisme impose sa loi d'airain, les visions sont renvoyées au désert et les morts priés de ne pas ressusciter. Comme si cette fission entre la terre et le ciel renvoyait à une autre guerre secrète, déclenchée il y a plusieurs siècles autour de cette question de la double nature. La rencontre de Croisset, ultime avatar du concile de Nicée ?»Jean Rouaud.
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« Normalement, voir débarquer un homme en tenue de plongeur sous-marin, encadré comme un prévenu, dans une gendarmerie de Basse-Normandie, inciterait plutôt à la méfiance. Seulement voilà, la normalité, le plongeur qui a tout perdu et la jeune femme venue déposer plainte pour le cambiolage de sa demeure en ont visiblement fait le tour. Que le sort se soit ainsi acharné sur eux, c'est sans doute à leurs yeux un signal d'alerte, l'occasion d'affronter enfin les ombres du passé.
Le passé, pour Daniel, chercheur en physique nucléaire, c'est une enfance orpheline désastreuse, entre un réparateur de cycles mutique et une grand-mère comateuse. Pour Mariana, artiste plasticienne, qu'on pourrait dire de bonne famille si son grand-père collaborateur n'avait été exécuté par la Résistance, c'est un désir de création dont elle semble aujourd'hui douter.
Mais il y a l'éblouissement de la rencontre, mais il y a le père de Mariana, enfermé dans sa grotte qui attend de la contemplation des fresques paléolithiques la révélation de son identité, mais il y a madame Moineau et ses intuitions à l'emporte-pièce, mais il y a ce portrait inachevé qu'il va bien falloir faire parler, mais il y a l'auteur qui poursuit un rêve semblable, et à qui cette même Mariana aurait demandé quleques lignes pour sa prochaine exposition. » Jean Rouaud.
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Vous avez connu Rimbaud ?
Jean Rouaud, Rachid Maraï
- Dunod
- Dunod Graphic
- 20 Octobre 2021
- 9782100824663
Nous sommes une dizaine d'années après la mort d'Arthur Rimbaud. Alors que la légende commence à se répandre du surdoué de 17 ans et de son passage éclair dans la poésie, un journaliste débarque à Charleville pour enquêter sur ce qu'il est advenu du prodige. Car il y a une vie après la poésie, laquelle pour l'adolescent ne fut qu'un moyen de se faire valoir avant de passer à autre chose. Mais de ce moment on s'essouffle à le suivre : l'Europe le plus souvent à pied, Chypre, Java, l'Egypte, l'Abyssinie, Marseille. Fasciné par l'homme au regard pervenche, son abandon de la poésie, son don des langues, sa solitude, ses activités de négociant à Aden et Harrar, le journaliste décide de poursuivre son enquête et convoque les derniers témoins. Et sa première question: Vous avez connu Rimbaud? Tous nous en livrent un morceau. Au lecteur de les reconstituer pour découvrir un visage un peu différent du Rimbaud immortalisé par la fameuse photo de Carjat.
Jean Rouaud met son talent d'auteur au service d'un des plus grands noms de la littérature qui aura survécu autant par sa poésie que par le mépris avec lequel il lui tourna le dos. Son texte, habillé de somptueuses illustrations réalisées par Rachid Maraï, nous invite à prendre part au voyage, il suffit de se laisser guider...
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Sur la scene comme au ciel
Jean Rouaud
- Éditions de Minuit
- Roman Francais Minuit
- 2 Février 2000
- 9782707316851
Une supposition, que, par-delà la mort, elle donne son avis sur ce livre qui lui a été consacré et en profite pour rétablir certaines vérités qui, selon elle, seraient bonnes à dire.
Ce dont on est sûr, c'est qu'elle commencerait par dire ceci : mais qu'est-ce qu'il raconte ? avant d'assener le coup de grâce : et puis, qu'est-ce qu'il en sait ? il étant le narrateur desdits romans sur sa famille, et par la même occasion son fils. j. r.
Sur la scène comme au ciel clôt une suite romanesque qui commence par les champs d'honneur (sur la figure du grand-père), se poursuit par des hommes illustres (sur la figure du père), le monde à peu près (sur le deuil du père), pour vos cadeaux (sur la figure de la mère), l'ensemble composant une sorte de livre des origines.
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Le monde à peu près
Jean Rouaud
- Éditions de Minuit
- Roman Francais Minuit
- 19 Avril 1996
- 9782707315632
Après le vertigineux succès des champs d'honneur, la source ne s'est pas tarie : le monde à peu près nous inonde de bonheur.
Jean rouaud peint en virtuose les faux départs, les contretemps, les dérapages de son myope gaffeur.
Il y a un style rouaud qui nous entraîne d'emblée dans l'univers qui lui est propre.
Un libre plein, qui s'impose à vous dès la première ligne et ne cesse plus ensuite de vous tenir sous le charme.
Le roman magnifie l'ordinaire tristesse des vies moyennes à force de précisions dans la désolation et l'humour.
Est-ce l'intrication de la verve comique et du drame ? le monde à peu près ne ressemble à aucun autre roman. qui a osé écrire que le roman français était mort ?.