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Yellow Now
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L'idée originelle d'une réflexion sur la place et l'image de l'animal au cinéma est venue de
la découverte de Béliers, film du cinéaste islandais Grimur Hakonarson. À travers l'histoi- re de deux frères ennemis, flanqués chacun de son bélier, s'établissait une relation troublante entre hommes et moutons, que le
roman de Noëlle Revaz, Rapport aux bêtes, évoque bien.
C'est ce rapport que le livre décline vingt-deux fois en consacrant chaque chapitre à un animal différent. La forme abécédaire est celle qui convenait le mieux pour la clarté du propos.
Cette série a été entamée dans Trafic et poursuivie à raison d'une publication par trimestre jusqu'à la récente disparition de la revue. Le désir de poursuivre ce travail a fait naître le projet du livre. C'était aussi l'occasion d'augmenter le nombre d'entrées afin de mieux faire apparaître le dessein général.
Il existe des ouvrages consacrés aux animaux filmés, mais ils concernent plutôt les documentaires animaliers. Ici, le documentaire n'est pas congédié, mais il est minoritaire en regard de la fiction.
Le grand nombre de films convoqués aurait rendu pléthorique et arbitraire l'introduction de photogrammes. Le choix d'illustrations graphiques obéit à la fois à un besoin de simplification et à l'envie de décaler la relation animal-film par l'élément tiers que forment ces collages -
Premier long métrage de David Lynch et film-culte du cinéma underground, Eraserhead est une ouvre inclassable, d'une inventivité formelle permanente et d'une violence de propos rarement atteinte. Olivier Smolders revisite à la fois en cinéaste et en écrivain les différentes nappes souterraines de ce cauchemar cinématographique. S'efforçant de mettre à jour à la fois les structures formelles et symboliques, il ouvre des pistes imprévues et approche, sans jamais chercher à le réduire, le mystère d'une ouvre qui occupe une place tout à fait particulière dans la mémoire de nombreux cinéphiles.
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Muette présence dès les origines du cinématographe - vues de Lumière ou films de Méliès - et dans les premières épopées historiques de Cecil B. DeMille, Jeanne a failli parler français avec Dreyer dans ce qui aurait été le premier film parlant. Mais ce furent les nazis qui lui volèrent sa parole, avant qu'Hollywood s'empare de sa légende guerrière, où Rossellini l'emporta en Italie dans un tourbillon de lumière. Preminger d'abord, Bresson qui lui donna enfin ses mots dans sa langue, fondèrent les insolences du nouveau cinéma européen. Alors Jeanne devient le passage obligé des auteurs modernes, que ce soit le soviétique Panfilov, ou les français Alain Cavalier, Jacques Rivette, Marcel Hanoun et Bruno Dumont. Jeanne d'Arc à l'écran, c'est-à-dire l'histoire et la légende de tout notre cinéma.
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Entre 1956 et 1960, au crépuscule du cinéma classique hollywoodien, Budd Boetticher réalise en indépendant sept westerns incisifs, tous portés par le même acteur granitique, Randolph Scott, considéré par beaucoup comme son inamovible double de fiction. De ce cycle émerge une trilogie, tendue tel un arc, dont Comanche Station assure la quintessence. Dans ce film, pas de graisse, aucune fioriture, nul happy end et encore moins de sentimentalisme, sinon asséché, tout juste une succession de déplacements et de pauses, de trajectoires entêtées et de bivouacs faussement réparateurs, menant en droite ligne vers une apparente résolution finale qui, au personnage central, n'offrira ni repos, ni romance, le laissant seul avec ses tourments initiaux. Il fallait bien le visage impassible de Randolph Scott pour ainsi sortir le western du lyrisme ou des chevauchées fantastiques et oser tendre vers l'épure, voire l'abstraction, où la modernité l'attendait.
S'il analyse le film avec rigueur ou, mieux, le psychanalyse avec gaieté, Pierre Gabaston s'adresse aussi directement au cinéaste, dans une forme de dialogue imaginaire et complice, convoquant leurs passions communes pour la tauromachie et les paysages indomptés, présence concrète, matière vivante, partenaire à part entière de l'intrigue. Autant dès lors avertir : bien plus qu'une exégèse, cet essai se veut d'abord livre d'amitié cinématographique et probablement un des ouvrages les plus intimes jamais écrits sur un western. -
Comment tourner autour du pot ? Trône souillé, les toilettes offrent aux cinéastes un objet par trop infâme pour ne pas le regarder sans cligner des yeux. Cela explique sa durable absence des écrans : réellement entrée au cinéma avec Psychose d'Alfred Hitchcock, en 1960, la cuvette continue d'en meubler des coins rarement filmés, et alors avec cérémonie.
Ce livre suit l'histoire de cet attrait contrarié. Anthologie plombière, il recense quelques dizaines de sièges ou de fosses d'où émanent des signes maudits et les relents d'une terreur archaïque qu'aucune transgression ne peut vraiment dompter. De la tentative de banalisation entreprise par Stanley Kubrick à l'euphorie de l'égout entretenue par Quentin Tarantino ou Robert Rodriguez ; de la place que la comédie américaine a réservé aux lieux saints au théâtre sexuel en quoi les transforment les comédies queer, de la sublimation spéculative d'Une sale histoire de Jean Eustache à l'avilissement fécal d'Il est difficile d'être un dieu d'Alexeï Guerman, ces pages couvrent assez de trous pour hasarder quelques hypothèses sur ce que de tels regards torves disent de notre modernité hygiéniste. Car si l'on a souvent pointé la contemporanéité de l'invention des frères Lumière avec la psychanalyse, la radio, les rayons X ou les aquariums, on s'est rarement penché sur sa communauté de berceau avec le tout-à-l'égout, pierre de touche de la révolution sanitaire ayant abouti aux disciplines fécales des siècles industriels. Une telle concomittance pousse l'auteur à croire qu'il peut faire un observatoire de ce sanctuaire tombal, parce que, fosse commune des vanités privées, les béances tuyautières éclairent de leur malédiction deux phénomènes au fondement de ce qui fut l'ordre bourgeois : le sacre de l'individu et la croyance en une maîtrise sans reste de l'environnement. Ce refuge où chaque sujet se dérobe aux regards pour liquider ses reliquats conditionne l'apparition des prométhées démocratiques du vingtième siècle. C'est du moins ce que laisse songer la contemplation du monde à travers la lunette telle qu'on la trouve chez Tsaï Ming-liang, Jean-Luc Godard, David Cronenberg ou Alain Cavalier, qui en font autant le dernier bastion d'un cinéma digérant son passé que le seul isoloir qui vaille pour les derniers des hommes. Avec eux et d'autres, le livre s'efforce de jeter les bases d'une scatocritique transformant en indices de fèces tous les détours propres à l'esthétique excrémentielle, où les toilettes signifient le fécal en lui faisant écran. Par là, et non sans audace dans ses raccourcis, il entend montrer que le sort figuratif réservé au trône dit quelque chose de l'hygiénisme aux commandes de bien des politiques écologiques actuelles, parce que dans la cuvette se cristallise le mythe de la suppression de l'incompressible à la racine du refoulement des externalités industrielles. Pour le dire en un langage empruntant sa forme à sa matière, les chiottes nous disent dans quelle merde nous sommes. -
Deux séjours à Berlin, en été puis en automne, vont sensiblement changer l'existence de Bernart, un professeur des collèges nouvellement à la retraite. Peu préparé, il appréhende avec inquiétude cette nouvelle vie. Le premier voyage s'organise autour des souvenirs de quelques jours passés en RDA, alors qu'il n'était encore qu'un adolescent. à Berlin, il cherche les traces de sa jeunesse, les traces d'un Berlin qu'il n'a en réalité pas connu, celles d'une histoire qui est la sienne sans pour autant lui appartenir, l'histoire d'une ville détruite puis séparée en deux. Ordonnant ses notes et ses photos, il comprend progressivement combien les films de Wenders font partie de sa vie. Il se met alors en tête de repartir à Berlin, d'y retrouver les lieux de tournage des deux principaux films que le cinéaste y a réalisés, Les Ailes du désir et Si loin, si proche !. Troisième volet d'une trilogie des villes et des lieux, après Antonioni / Ferrare et Jean-Pierre et Luc Dardenne / Seraing,Wenders / Berlin tente de répondre à deux questions : comment écrire autrement sur le cinéma ? Comment associer la vie et le cinéma dans un même mouvement ? Plutôt que de s'appuyer sur des films, Thierry Roche part de la ville elle-même et des lieux de tournage pour tenter de comprendre comment des histoires inventées trouvent à s'inscrire dans la réalité du paysage. L'hypothèse est que la vie et le cinéma, c'est la même chose. Le recours à un personnage de fiction est comme un point d'aboutissement, montrant l'intrication entre la vie et le cinéma, entre la réalité et nos imaginaires. De ce point de vue, ce livre est, à la lettre, un essai. Le travail de Guy Jungblut fait totalement partie du projet. Son regard sur la ville a guidé le texte. Les photos sont le plus souvent le moteur de la narration ; d'autres épousent le texte, dans un dialogue incessant et fructueux.
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Menjant garotes [en mangeant des oursins] de Luis Bunuel
Jordi Xifra
- Yellow Now
- Côté Films
- 20 Octobre 2023
- 9782873405014
Quatre minutes et treize plans seulement - sans paroles, sans intertitres ni le moindre son - composent Menjant Garotes (En mangeant des oursins), cet inédit de Luis Buñuel réalisé en 1930, pendant le tournage de L'Âge d'or, et retrouvé dans une boîte à biscuits, en 1988, après avoir passé soixante ans dans un placard. Portrait documentaire discrètement ironique du père de Salvador Dalí, notable de province, et de son épouse, filmés dans leur demeure cossue dominant la plage du Llané, à Cadaqués, cet étrange objet f ilmique, manifestement inspiré par le naturalisme du Kammerspiel allemand, présente à première vue toutes les caractéristiques du film de famille, voire d'un home movie amateur. De fait, devant l'évidente platitude d'un quotidien aisé et l'insignifiante répétition des gestes familiers - faire tourner le phonographe, lire au salon, bercés par un rocking-chair, arroser les plantes, déjeuner au jardin - de ce très court métrage, si peu spectaculaire, il n'y aurait en apparence rien à signaler et encore moins à raconter. Telle est bien la prouesse de ce petit essai érudit, en forme d'archéologie d'un film fossile, celle de nous tenir en haleine jusqu'au bout, comme on lirait une enquête policière. Jordi Xifra y démontre que loin d'être un accident, voire une anomalie, Menjant Garotes s'inscrit rigoureusement dans l'oeuvre du cinéaste au point d'apparaître comme la matrice de tous ses films à venir, scrutant ce couple de grands bourgeois à la manière d'un entomologiste comme il aurait aimé filmer les scorpions. Entre autres documents, l'ouvrage propose au lecteur un lien lui permettant à son tour de découvrir ce film insolite
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De zéro de conduite à Tomboy : des films pour l'enfant spectateur
Hervé Joubert-laurencin
- Yellow Now
- 4 Mars 2022
- 9782873404772
De Zéro de conduite à Tomboy. Des films pour l'enfant spectateur est le projet éditorial d'une association d'éducation artistique à l'image - Les enfants de cinéma - en charge pendant près d'un quart de siècle - de 1994 à 2018 - du dispositif national « École et cinéma ». Elle a constitué au fil des années un patrimoine exceptionnel, et jusqu'ici inaccessible sur le marché du livre, de nombreux textes sur le cinéma, à travers des monographies sur des films de toutes époques et de tous pays, les Cahiers de notes sur ...
Ces cahiers étaient destinés aux instituteurs engagés dans le dispositif, ils leur étaient offerts comme matériel pédagogique accompagnant les sorties de leurs classes au cinéma.
En près de 25 ans d'une politique éditoriale exigeante, la collection de 114 Cahiers de notes a ainsi constitué une histoire et une traversée de l'art cinématographique, des origines jusqu'au cinéma le plus contemporain.
Chaque cahier était confié à un auteur unique, spécialiste ou non du cinéma. Dans ces monographies, plusieurs pages étaient réservées à l'expression d'un « point de vue », celui de leur auteur, regard personnel sur l'oeuvre envisagée. Parmi ces 114 « points de vue », une trentaine ont été retenus pour constituer l'ouvrage aujourd'hui proposé.
Le choix des 30 titres a reposé sur le principe d'une mise en regard, deux par deux, des films, chacun s'enrichissant de la confrontation avec son voisin, créant ainsi de nouveaux points de vue, suscitant de nouvelles idées.
Une brève introduction de chaque couple de films - rédigée par Hervé Joubert-Laurencin - justifie leur sélection et leur mise en relation. Une double page de photogrammes, qui eux aussi se répondent, illustre à son tour les liens entre les films.
L'ouvrage, de 488 pages, présente un vaste panorama de la pensée du cinéma en France ces vingt-cinq dernières années.
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La figure du ventriloque accompagné de sa marionnette sur les genoux est contemporaine de l'invention du cinéma. Simple coïncidence ? Son art, remarquons-le, s'inscrit dans l'histoire des médias techniques qui ont dissocié le corps de la voix, qu'il s'agisse du phonographe ou du téléphone, actualisant les puissances de la voix acousmatique. Curieusement le ventriloque apparaît à l'écran dès l'âge du muet en jouant sur le registre de l'étonnement et de l'inquiétude par des effets de dissociation et de dédoublement. Nombreux sont les films qui explorent sa personnalité insolite, ambivalente, en proie au larcin, à la simulation, au désordre psychique.
Au-delà de la présence littérale du ventriloque, on peut observer un usage plus métaphorique de la ventriloquie dans les effets fantastiques de la voix dissociée, le rôle du bonimenteur ou du traducteur, le contrepoint du visuel et du sonore. Autant de stratégies qui permettent, en dénudant le procédé cinématographique, en renversant le principe d'autorité, de donner à entendre des voix dissidentes.
Sans doute la ventriloquie trouble-t-elle l'opposition par trop schématique de la lettre et de la métaphore au gré de ses jeux de symétrie et de réversibilité. Qui est le ventriloque de qui ? Le critique est-il le ventriloque du film, ou l'inverse ? Ne sommes-nous pas devenus désormais les ventriloques de l'histoire du cinéma ?
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Les Sept Samouraïs d'Akira Kurosawa est d'abord un film d'action. Mais derrière les questions de pouvoir et de survie se joue avant tout un art de la mise en scène des corps : corps souffrants, fébriles, humiliés, mais aussi corps qui s'éduquent et s'articulent avec un groupe. Brisant la bidimensionnalité de l'écran cinématographique, Kurosawa inscrit la tension des muscles, le surplus de la chair et du physiologique au coeur de l'image et donne à voir l'engendrement du corps social à partir de la diversité des corps physiques. Avec une grande économie de mots, il construit une allégorie de l'institution sociale et politique qui fait varier très subtilement les relations interindividuelles uniquement par le traitement de l'espace et des corps. Les Sept samouraïs est un film chorégraphique.
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Cinéma documentaire : manières de faire, formes de pensée
Catherine Bizern
- Yellow Now
- Cote Cinema
- 3 Février 2023
- 9782873404932
« Les manières de faire sont toujours des manières de penser » disait Jean-Louis Comolli. Avec le cinéma pour désir partagé et le documentaire comme territoire commun, des cinéastes échangent leurs idées, leurs expériences, leurs points de vue. Réunis par petits groupes en ateliers, ils ont élaboré au fil des années une réflexion qui croise choix d'écritures et questions éthiques. Les textes réunis ici sont des synthèses des débats qui ont rendu publiques quelques notions-clés du cinéma documentaire : celles d'« histoires », de « personnages » ou de « héros documentaire », ou d'autres questions récurrentes et essentielles : le sujet, l'autre, la peur, la parole, le réel... Des réflexions tantôt personnelles, tantôt communes, des tâtonnements ou des positions fermes et éprouvées se côtoient pour éclairer les démarches, nourrir la pratique et la pensée de celles et ceux que passionnent le cinéma documentaire et ses enjeux. À l'occasion de ses trente ans en 2022, Addoc réédite cet ouvrage - publié en 2002 - augmenté d'une postface de Catherine Bizern. Créée en France en 1992, l'association des cinéastes documentaristes - Addoc - est ouverte à tous les cinéastes engagés dans une pratique du cinéma documentaire et désireux
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Dès l'origine, avec ses images sautillantes et sa musique de bastringue, le cinéma
nous parle des fantômes. Il y a bien sûr le cinéma de genre : on aime se faire peur
dans les salles obscures. Mais au-delà des films dits de fantômes, c'est toute la production
cinématographique qui entretient avec les spectres une relation de profonde
intimité. Être sans substance, sans densité, sans épaisseur, bref sans matière,
le fantôme n'est pas, il apparaît, ou mieux il n'est qu'apparition. Or l'art cinématographique
est, lui aussi, pure apparition. C'est vrai de l'image fixe (la peinture ou
la photographie), mais lorsque l'image s'anime imprimant le mouvement à ce qui
n'a que l'apparence et la forme de la vie et du réel, c'est toute l'énigme du mortvivant
qui nous saute aux yeux. On a cru qu'après Descartes, après le siècle des
Lumières, la Raison avait définitivement triomphé des créatures de la nuit. Mais on
les a vus ressurgir, là où on les attendait le moins, avec les techniques de reproduction
qui rappellent les morts à la vie, avec la transmission à distance qui
détache de l'être réel son double spectral. Le cinéma a été, par excellence, le fourrier
de ce retour du refoulé. Il n'est jamais aussi grand que lorsqu'il réfléchit cet
étrange pouvoir démiurgique. -
Passe montagne de Jean-François Stevenin
Pierre Jailloux
- Yellow Now
- Côté Films
- 7 Avril 2023
- 9782873404956
C'est l'histoire d'un citadin qui tombe en rade dans un coin paumé du Jura, se fait dépanner par un gars du cru, passe une première nuit dans sa grange, y croise des mines patibulaires sans comprendre ce qu'elles racontent, y déambule de fond en comble, finit par ne plus trop savoir ce qu'il fait là, improvise des repas arrosés avec son hôte, bavarde parfois et souvent se tait, commence à entendre parler de combe magique et d'oiseau en bois dans la forêt, se laisse embringuer par son nouveau copain dans la neige, se fait embarquer dans des bars clandestins et une auberge qui ne ferment jamais l'oeil de la nuit, y écoute un chien qui chante, y flirte avec des dames, s'y engueule avec des montagnards, étudie des cartes, enterre une vie de garçon, puis finit par s'en aller au petit matin, après avoir mis sa vie et celle du spectateur en pointillés. Cet ouvrage se propose non pas de combler les trous du gruyère, ni de redresser la barre d'un film irrésistiblement biscornu, mais de se lover dans ses parenthèses, de sauter à cloche-pied sur ses points de suspension et ses plans, et de se laisser dériver avec lui, sans jamais espérer atteindre aucun récif. Suivons Jean-François Stévenin et sa bande, son monteur et complice Yann Dedet en tête, dans leurs échap-pées enfantines et barbares, leur labeur et leur paresse, leurs images baladeuses et leurs découpages fleuris.En complément de cette essai tout en rebonds et ricochets, on trouvera un portrait vibrant de l'acteur Jacques Villeret par le critique Jean-Marie Samocki.
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Le flou, dans son acception commune, est d'abord le signe d'une déficience, un manque de définition. Aussi le langage cinématographique, dans ce qu'il a de plus convenu, nous a-t-il habitués à considérer le passage du flou au net comme une forme d'actualisation : la forme floue, l'image bougée, sont de simples substrats de l'image nette et stable dans laquelle elles s'accomplissent et se stabilisent, en atteignant, dans l'idéal, la précision de contours et de détails propre à la HD.
Tout semble pourtant prédisposer l'image de cinéma au flou : captée et perçue dans la durée, soumise aux variations de la lumière et du mouvement, elle est aussi sujette à toutes sortes de métamorphoses optiques et chimiques qui déclinent à l'infini la palette du vague, du brumeux, du filé.
Entre évanescence et opacité, le flou tantôt tire l'image vers l'immatériel (c'est pourquoi le fantôme hante volontiers les zones floues de l'image) ou vers la matière (vers le pictural). Il est sensation, translation de la vitesse ou des mouvements du corps à l'image, glissement de la vision vers le toucher, perception du chaos extérieur. Mais il est aussi aussi manifestation de l'image mentale, du rêve, de la réminiscence. Le flou inscrit enfin l'image de film dans un champ artistique ouvert : flou d'ensemble, il brouille la frontière entre cinéma et peinture ; flou d'apparition (de mise au point), il renvoie le cinéma à ses origines photographiques, argentiques - à l'émergence progressive de l'image sous l'effet du révélateur - et à l'orchestration du désir de voir.
Dans la mesure où elle exclut toutes les formes irréalisées de l'image floue, l'image nette n'en est-elle pas, au bout du compte, une version appauvrie ?
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Jeanne Dielman 23, quai du commerce, 1080 bruxelles de chantal akerman - cote films #41
Corinne Maury
- Yellow Now
- 8 Octobre 2020
- 9782873404604
Jeanne, veuve d'une quarantaine d'année, vit avec son fils Sylvain. Elle prépare le repas, range la chambre, se prostitue, se lave, fait la vaisselle. Dans Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles, Chantal Akerman compose un inventaire actif de l'économie domestique, où le scénario gestuel supplante le scénario à histoire. Dans ce huis-clos, qui s'écoule sur une période de trois jours, Chantal Akerman confère au récit la puissance d'une enquête où le quotidien, sans être le principal suspect, est également suspecté. Dans cette histoire sans histoire, traversée par une gestuelle méticuleuse et machinale, rien ne déborde mais tout couve.
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L'attraction du cinéma pour la Lune s'exerce depuis la fin du XIXe siècle jusqu'à l'époque la plus récente qui voit de nombreux films prendre très au sérieux les projets d'installations de bases lunaires. La Lune dessine en effet les frontières d'un territoire cinématographique.
La Lune est affaire de regard : elle est ce point lumineux qui perce l'obscurité du ciel, cet oil capricieux qui préfigure les dispositifs de vision, au premier chef la projection, qui s'est très vite invitée dans la représentation.
La Lune est une combinaison d'espace et de temps, tous deux portés à un extrê-me : promesse d'un espace infini et d'un temps en éternel recommencement, elle est devenue le lieu d'une conquête du rêve par la réalité. Cette conquête a laissé des traces, que les films s'approprient. Un jour de l'année 1969, des hommes mar-chent sur la Lune et filment ce qu'ils voient. Ce film inouï, retransmis en direct par la télévision, hante l'Histoire tout autant que les fictions.
Si les frontières tracées par la Lune sont poreuses entre les arts, entre les consi-dérations esthétiques et les problèmes scientifiques, entre les enjeux politiques et les questions anthropologiques, le cinéma invente des figures à ces glissements et des modes de perceptions à ces figures. Les quatre parties qui composent ce livre s'intéressent chacune à un problème de cinéma, posé par les films qui représen-tent la Lune : la projection ; la non-coïncidence des durées ; la sidération visuelle ; la modernité mythologique.
Après l'année 1972, les hommes ne sont pas retournés sur la Lune qui reste un terrain d'incertitude. En cinéma, la Lune est au contraire l'espace de très prolixes explorations visuelles que les films visitent sans cesse.
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La fête foraine, qui a en partie déserté la vie, hante le cinéma. Il est né en son sein alors qu'elle se modernise au crépuscule du XIXe siècle. Cette parenté indique un désir commun : exciter la vue et façonner une expérience du mouvement et de l'extraordinaire, faire de ce que l'on voit ce que l'on vit. Dès lors, quand elle surgit dans le film, que fait la fête foraine au cinéma ? Pour élucider cette question et cerner cette intime relation, le livre revient aux années vingt, de Coeur fidèle d'Epstein à L'Aurore de Murnau. Il propose de regarder ensemble Entr'acte de René Clair et Anticipation of the Night de Stan Brakhage, de faire tenir ensemble Borzage et Ophuls, Bresson et Demy, Minnelli et Fuller, Welles et Hitchcock dont L'Inconnu du Nord-Express, comme on tourne sur un carrousel, revient régulièrement. Le cinéma s'invente depuis les attractions mécaniques : elles lui apprennent à tourner et révèlent une relation des cinéastes à leur art, une possibilité d'improvisation ou de machination. Certains trouvent dans leur rythme et leur narration un lieu puissant de figuration du désastre et de l'extase, de la réunion et de la désunion des corps. D'autres, parce que le cinéma et la fête foraine partagent un même plaisir du simulacre, mesurent la fiction aux histoires que suscite la foire. Si le cinéma apparaît comme le frère siamois de la fête foraine, il s'y frotte aussi à ses limites : parce qu'elle est avant tout un renversement, la fête foraine est une force qui déforme le film, l'excède et se joue de lui. Elle le réfléchit, dans un miroir déformant.
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Jean-Pierre et Luc Dardenne, Seraing
Guy Jungblut, Thierry Roche
- Yellow Now
- 5 Mars 2021
- 9782873404666
Ce livre s'inscrit dans une continuité. Un précédent volume, Antonioni / Ferrare, interrogeait une ville et un mode d'écriture. Il s'agissait d'écrire sur le cinéma d'Antonioni et sur la ville de Ferrare qui, c'était une hypothèse, a construit son regard, et d'expérimenter par ailleurs un mode d'écriture à la lisière de la fiction.
Réfléchir à l'urbain et tenter de trouver une écriture « juste » pour parler des films reste le moteur de ce nouveau projet.
La ville de Seraing sert d'écrin à presque tous les films réalisés par les frères Dardenne.
L'hypothèse, cette fois, est qu'en travaillant sur la durée et en inscrivant leurs films dans un environnement social précis, en accordant une place déterminante au travail et à ses variantes dans le temps, Jean-Pierre et Luc Dardenne ont contribué à définir un paysage.
La construction de l'ouvrage repose sur trois séjours successifs à Seraing en compagnie de Guy Jungblut, à nouveau sollicité pour les photos qui encadrent l'écrit. Ces photos n'ont pas le statut de simples illustrations. Les séquences photographiques constituent un regard autonome sur la ville, ses particularités et ses failles. À plusieurs reprises, elles ont relancé le travail d'écriture qui parfois s'épuisait entre descriptions vaines et réflexions sociologisantes déconnectées du terrain.
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Meurtre d'un bookmaker chinois de John Cassavetes
Gilles Mouëllic
- Yellow Now
- Cote Films
- 19 Mai 2017
- 9782873404055
Cosmo Vitelli (Ben Gazzara), patron d'une boîte de strip-tease à Los Angeles, est contraint par la mafia locale de tuer un bookmaker chinois pour rembourser une dette de jeu. Si ce bref résumé ne semble guère répondre aux préoccupations de John Cassavetes, le projet de Meurtre d'un bookmaker chinois (1976-1978) n'est pourtant pas si éloigné de Une femme sous influence, qu'il vient d'achever, et surtout de Opening Night (1978), son film suivant. Cassavetes s'approprie les codes du film noir et plus souterrainement ceux de la comédie musicale pour dessiner un portrait bouleversant d'un homme seul, acculé à accepter un terrible marché pour, croit-il, conserver sa liberté. Nombre d'exégètes ont vu dans Cosmo Vitelli un autoportrait de Cassavetes confronté aux exigences des producteurs hollywoodiens. Cette séduisante hypothèse masque peut-être son véritable dessein : une mise à l'épreuve de la frontière entre la vie et la scène, déjà effective dans Too Late Blues (1961) et qui trouvera une forme d'aboutissement avec Myrtle Gordon (Gena Rowlands), l'héroïne de Opening Night. Cosmo et Myrtle sont les deux faces d'une même médaille : le premier veut vivre sa vie comme un spectacle, la seconde ne peut jouer sur scène autre chose que sa propre vie.
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Depuis 20 ans, le cinéma chinois connaît un développement foudroyant, en phase avec l'essor de ce pays. Nul n'incarne mieux cette évolution que le réalisateur Jia Zhang-ke, révélé en 1999 avec son premier film, Xiao-wu artisan pickpocket. Son cinéma se distingue par la modernité de son écriture, nourrie par la réinvention des rapports entre fiction et documentaire, par les usages inventifs des nouvelles technologies, par la créativité des relations entre l'intime et le collectif à l'échelle d'un pays d'un milliard et demi d'habitants.
Les films de Jia sont en effet, et du même mouvement, oeuvres d'un grand artiste contemporain et témoignages sensibles des gigantesques mutations qui affectent la Chine, et le monde entier. Des titres tels que Platform, The World, Still Life, A Touch of Sin et Mountains May Depart jalonnent un parcours esthétique à la fois extrêmement cohérent et en constant renouvellement. Ils accompagnent la construction patiente d'une place centrale dans la culture de son pays malgré les immenses obstacles liés à la censure.
Et ils racontent, selon un point de vue original et pertinent, ce qui s'invente avec le XXIe siècle. Un long entretien mené avec le réalisateur sur les lieux de son enfance, ces lieux de travail et de tournage, un texte historique établissant la place de Jia dans le cinéma chinois et dans le cinéma actuel, une notice critique consacrée à chacun de ses films, longs et courts métrages, enrichis de plusieurs éclairages dont des entretiens avec ses principaux collaborateurs, et des textes de Jia inédits hors de Chine, font de ce livre le premier ouvrage offrant une visibilité et une compréhension exhaustive de l'oeuvre de ce cinéaste, et de son importance majeure.
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Agent X27 de Joseph von Sternberg
Gaël Lepingle
- Yellow Now
- Côté Films
- 12 Septembre 2018
- 9782873404277
Agent X27 (1931) est le troisième des sept films que Joseph von Sternberg tourne avec Marlene Dietrich. Avec ce récit d'espionnage inspiré de Mata Hari et situé dans sa Vienne natale, il va trouver le sujet parfait pour accomplir son cinéma fondé sur le simulacre. Agent X27 tiendra à la fois du suspense de bande-dessinée, du ping-pong vaudevillesque et du mélo brechtien, l'enchevêtrement des émo - tions le disputant à celui des niveaux d'énonciation pour aboutir à cette limpidité suprême : un grand film romanesque et moral, où la dignité est érigée en valeur absolue.
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Jean-Luc Godard est sans doute le cinéastes dont l'oeuvre a interrogé avec le plus de constance et de lucidité la place des machines dans le monde du cinéma et bien au-delà.
Godard devant la fameuse table de montage Steenbeck, Godard devant un banc de montage vidéo ou face à la machine à écrire des Histoire(s) du cinéma : nombreuses sont les représentions du cinéaste en technicien manipulant les appareils. Mais au-delà de la photogénie de Godard en artisan solitaire, ses films semblent parcourir et interroger sans cesse les liens entre cinéma et machines, de l'imposante caméra Mitchell NBC qui ouvre Le Mépris (1963) à l'installation vidéo de Numéro deux (1975), du ballet de caméras montées sur des grues devant les tableaux de Passion (1982) aux images de défilement de la pellicule qui ponctuent les Histoire(s) du cinéma (1988-1998). Quand dans Soigne ta droite (1987), il filme les Rita Mitsouko en plein enregistrement de leur nouveau disque, vingt années après avoir passer trois nuits avec les Rolling Stones à l'Olympic Studio de Londres pour One + One (1968), il s'agit encore pour Godard d'observer des musiciens face à des machines, fasciné sans doute par une forme d'autonomie qu'il va lui-même conquérir peu à peu jusqu'au Livre d'Image (2019), entièrement réalisé à partir d'images et de sons préexistants.
Si les relations entre machines et création font l'objet d'une attention particulière, la présence récurrente d'autres machines ne manque pas de susciter l'intérêt des auteurs. Parmi celles-ci, la voiture tient une place très ambigüe, à la fois symbole de la modernité et emblème d'une civilisation des loisirs dont Godard perçoit très vite les limites. Dans le même ordre d'idées, l'omniprésence des appareils d'enregistrement et de diffusion de la musique (tourne-disques, poste de radio) témoigne de l'avènement d'une société de consommation prête à tout pour soumettre la culture au capitalisme le plus débridé. Si la machine permet de penser ensemble techniques et esthétiques, elle nourrit aussi chez Godard, avec une remarquable diversité, une vision politique du monde.
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