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Creaphis
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En 1968, un barrage est construit dans le resserrement d'une vallée, noyant 700 hectares. De nombreux habitants doivent quitter leur terre. Antoine Picard a enquêté auprès des habitants et des spécialistes de la vallée du Salagou. Son récit documentaire fragmentaire où toutes ces paroles et empreintes visuelles cohabitent dessine la complexité du territoire et de son histoire.
Le ruisseau serpente au milieu de la ruffe, une roche sédimentaire rouge, au coeur d'un territoire très sec. La viticulture domine. Dans les années 1950, les pouvoirs publics préconisent d'arracher les vignes et de planter des vergers. Ils anticipent la nécessité de créer un réservoir d'eau pour l'irrigation des fruitiers prometteurs.
En 1968, le barrage est construit et le site est mis en eau. De nombreux habitants quittent leur terre mais la montée des eaux n'atteindra finalement jamais le niveau prévu. Le village a été évacué pour rien. Dans les années qui suivent, les maisons sont pillées, tombent en ruine. Des grillages protecteurs assurent la sécurité du site. D'anciens habitants luttent. Ils veulent que leur village revive. Ils restent mobilisés durant cinquante ans. En 2019, trois nouvelles familles s'installent. Le hameau, proche du barrage, aurait lui aussi dû être inondé. Il n'a pas eu la même chance : il est rasé, à l'aube, un matin de 1986.
Pendant trois années, Antoine Picard a enquêté auprès des spécialistes (géologue, botaniste, biologiste, pêcheur, plongeur, agriculteur...) et des habitants (nouveaux arrivants et autochtones) de la vallée du Salagou. Il a développé un récit documentaire fragmentaire où toutes ces paroles et empreintes visuelles cohabitent pour dessiner la complexité du territoire et de son histoire. Il s'est inspiré de faits réels et situés, pour atteindre une dimension universelle qui résonne en chacun de nous, faisant référence à nos histoires familiales, à leur enfouissement dans nos mémoires, et paradoxalement à leur présence toujours saillante. Le paysage devient la métaphore des transformations intérieures, des secrets et des transmissions inconscientes. -
Hervé Guibert, l'envers du visible
Vincent Jacques, Claire Pagès
- Creaphis
- 8 Décembre 2022
- 9782354281809
Écrivain mondialement connu, surtout après la publication de A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie (Gallimard, 1990), mais aussi photographe, critique, scénariste, cinéaste, Hervé Guibert (1955-1991) n'a cessé de questionner les images.
« Ceux qui se livrent à l'écriture, sans doute, ne peuvent plus écrire comme autrefois, du temps d'avant l'image photographique, télévisuelle, cinématographique ». Écrire sur l'image, son rapport à la mort et au désir tout en y tissant une trame autobiographique sera le propre de son livre L'Image fantôme (Minuit, 1981). Dans Des aveugles (Gallimard, 1985), les mêmes thèmes sont explorés à partir de l'envers du visible. Dans toute son oeuvre, Guibert a travaillé sur l'envers des images et sur les ficelles cachées des marionnettes du réel (aveuglement, incognito, faussaires, fictions, leurres, fantômes, cires anatomiques, etc.) sans jamais réduire le visuel au vu ou à l'aperçu et en donnant tout son sens à la notion de visible. D'un autre côté, sa pratique de photographe, par exemple dans Suzanne et Louise, un roman-photo sur ses deux tantes (1980, 2005 et 2019), se confronte sans cesse à l'écriture.
Le livre, sur une idée des philosophes Claire Pagès et Vincent Jacques, réunit une dizaine de contributions et entretiens sur la question du visible dans l'oeuvre (littéraire, photographique, cinématographique, critique) d'Hervé Guibert.
Entre fantasmagorie et documentaire, comment définir l'écriture hybride de Guibert ? Si l'écrivain s'est interrogé sur la spécificité photographique à l'égard de la tradition picturale, explorant la dimension du reportage, nous pouvons questionner en retour la particularité de l'écriture en lien avec l'image photographique.
On a beaucoup écrit sur l'écrivain, un peu moins sur le photographe : la thématique transversale de cet ouvrage permet d'aborder différemment l'oeuvre littéraire, mais aussi de la saisir comme pensée de l'image et de la situer dans le contexte de la réception de son oeuvre. -
L'ouvrage est un essai d'histoire sur le photographe allemand August Sander (1876-1964) à travers son oeuvre et à travers sa vie. Essai d'histoire de l'art, d'histoire technique et aussi d'histoire sociale. C'est bien d'un artiste de son temps et dans son temps, un artiste d'Allemagne mais à l'envergure universelle dont Daniel Challe entreprend le « portrait dans le portrait » : il regarde les Hommes du XXe siècle à travers le regard du photographe. Ce corpus d'images peut être sans cesse réinterprété, réinterrogé, analysé et remonté.
August Sander, artiste exceptionnel et à la trajectoire exceptionnelle, a construit une grande oeuvre malheureusement tronquée par la disparition de milliers de négatifs en 1944. Reconnu de son temps, comme lors de cette exposition très importante de 1927 à la Kunstverein de Cologne, il affirme alors, comme la ligne de conduite de toute son entreprise, ce qui sera sa formule la plus célèbre : « Voir, observer, penser. » Il y a dans le « système Sander » une intention encyclopédique à travers une typologie et une topographie (il reste ancré dans sa région de Cologne qu'il arpente avec méthode), une grande leçon de modestie, d'objectivité (que Daniel Challe décrit à travers l'évolution d'une sensibilité artistique conduisant l'artiste des premières approches pictorialistes à la Nouvelle Objectivité), une conduite jamais coupée de son époque et des influences artistiques et politiques. Musiciens, écrivains, architectes et acteurs posent pour le photographe qui commence à travailler au grand projet artistique de sa vie. Ce regard « objectiviste » sur la réalité sociale de son époque - à partir d'un inventaire à teneur sociologique des types humains, des différentes classes et catégories socioprofessionnelles - est réuni dans son livre de 1929 Antlitz der Zeit (Visages d'une époque) très bien accueilli à sa sortie.
De la même façon et avec la même rigueur technique August Sander observe le paysage qui l'environne dans l'Allemagne de son temps. Sa recherche porte sur les liens existant ou pouvant exister entre les humains et l'environnement de différentes régions de son pays. L'arrivée des nazis marque un très violent et douloureux tournant dans la vie et l'oeuvre du photographe et de sa famille : l'un de ses fils est emprisonné et meurt en 1944 ; la même année une grande partie de ses négatifs est détruite dans un incendie. Malgré cette brisure irréparable il continue son travail qui atteint une nouvelle reconnaissance internationale en Allemagne et aux États-Unis.
Daniel Challe analyse cette trajectoire avec sous tous ses aspects y compris les moins connus et présente avec la même clarté les contextes d'émergence des portraits, des paysages et des études botaniques en rendant ainsi justice à l'esprit de la démarche du photographe. Il met ainsi en valeur l'universalité du langage photographique. L'auteur convoque toutes sortes de sources et d'éléments comme des extraits des conférences radiophoniques sur la photographie que Sander a donné régulièrement dans les années 1930 mais aussi des auteurs, des historiens, des spécialistes de l'Allemagne contemporaine de Sander et des penseurs de la photographie (comme Simone Veil, Chris Harman, Philippe Artières, Olivier Lugon ou encore John Berger et Roland Barthes).
Daniel Challe engage aussi sa propre réflexion sur son temps, soucieux de monter en quoi la « cosmogonie » Sander a laissé une empreinte durable non seulement dans l'histoire de l'art photographique mais aussi dans les pratiques artistiques contemporaines. Cet art documentaire, à mettre en relation avec celui des photographes français (comme Eugène Atget) ou américains (comme Walker Evans), continue d'exercer une influence considérable sur les jeunes générations de photographes.
L'approche de Daniel Challe est originale en ce sens qu'il est lui-même photographe et que sa réflexion personnelle est motivée par un retour sensible sur sa propre pratique, sans pour autant développer la moindre référence à son propre travail ni à son métier d'enseignant.
Il dit lui-même, en justifiant son désir d'écriture : Le livre de Sander est donc non seulement un document d'histoire, mais aussi une utopie. Utopie d'une autre Europe : celle dont nous sommes nombreux à rêver mais que nous ne voyons pas advenir. [...] Un photographe, un pays, c'est un beau programme pour écrire l'histoire, pour raconter ce qui me touche dans cette oeuvre photographique plus que dans aucune autre. J'ai essayé de me tenir modestement à ce fil. -
Petite philosophie pratique de la prise de vue photographique
Jean-Christophe Béchet, Pauline Kasprzak
- Creaphis
- Creaphis Poche
- 19 Juin 2014
- 9782354280864
(Texte provisoire)
Au cour de l'acte : le cadrage
Champ/hors champ
Règles de composition
Prévisualisation du réel
Recadrage/recomposition : jusqu'où aller ?
L'instant décisif ?
L'appareil : outil ou instrument ?
Les cerveaux électroniques
Art et industrie
Comment choisir ses photos : l'éditing
Les différents temps de la photographie
Un art matériel
Quel format, quel support ?
Le rapport au réel
La photographie dans le marché de l'art
La notion d'original
Professionnel, amateur, artiste : quelles différences ?
Depuis cent cinquante ans, l'industrie photographique n'a cessé de se développer en lien avec l'essor de la " civilisation de l'image ". Le geste de " prendre des photos " est devenu une pratique courante et banale, en apparence d'une grande simplicité. Pourtant l'acte photographique est plus complexe qu'il ne paraît. En tant qu'usage social, il se situe entre technique et art, consommation et création, normes et marges.
Le photographe Jean-Christophe Béchet et Pauline Kasprzak, en philosophe, interrogent la prise de vue sous la forme d'un dialogue, confrontant " théorie " et " pratique ".
L'entretien s'articule autour de plusieurs questions déclinées en courts chapitres : cadrage/composition, avant/après, l'appareil, l'éditing, la matière, le réel et le marché de l'art. -
Le cimetière juif de Thessalonique
Martin Barzilai
- Creaphis
- Foto Creaphis
- 19 Octobre 2023
- 9782354282035
En 1942, les Allemands exproprient le cimetière juif de Thessalonique, alors le plus important d'Europe. Les pierres tombales seront utilisées comme matériel de construction dans la ville, par les Allemands puis par les Grecs. Le photographe Martin Barzilai est parti à la recherche de ces fragments de tombes disséminés en menant l'enquête autour de cette mémoire fantôme.
À la suite de la Reconquista, Isabelle la Catholique expulse les juifs d'Espagne en 1492. Ils sont accueillis dans l'Empire ottoman, en particulier dans les Balkans et à Salonique. Ils représentent, au xviie siècle, la moitié de la population et, jusque dans les années 1920, sont majoritaires face aux communautés grecque et turque. Dans ce contexte, les juifs de Salonique conservent leur langue : le judéo-espagnol ou ladino.
Le cimetière juif de Thessalonique est alors le plus important d'Europe. On estime qu'il contenait environ 300 000 tombes. Une grande partie des inscriptions en caractères hébraïques sur ces stèles ont un sens en ladino et non en hébreu, ce qui les rend difficilement déchiffrables de nos jours.
En 1942, alors qu'ils tiennent la ville depuis un an, les Allemands exproprient le cimetière en échange de la libération de 6 000 travailleurs prisonniers juifs, contraints aux travaux forcés. Les pierres tombales seront utilisées comme matériel de construction, par les Allemands puis par les Grecs, notamment pour l'enceinte de la nouvelle gare ferroviaire et dans un grand nombre d'autres chantiers. Aujourd'hui, on les retrouve à travers toute la ville et au-delà.
À cet effacement culturel, s'ajoute la destruction physique de la communauté. En effet, c'est à partir de février 1943, que furent appliquées les lois de Nuremberg imposant le port de l'étoile jaune et les restrictions de circulation. Les déportations eurent lieu entre mars et août 1943. Environ 54 000 juifs de Thessalonique furent exterminés, soit 96% de la population juive de la ville. Seule la communauté polonaise connut un taux d'extermination plus important. La plupart des juifs saloniciens furent gazés dans le camp d'Auschwitz Birkenau.
Le photographe Martin Barzilai s'est rendu à plusieurs reprises à Thessalonique depuis 2018, à la recherche de ces fragments de tombes disséminés dans la ville, de ce qui a été rendu invisible, ces traces qui ont résisté au temps. De cette enquête il en a aussi tiré un journal et des entretiens avec des personnes concernées par cette mémoire fantôme.
Deux historiennes interviennent en contrepoint pour éclairer cette histoire : Kate?ina Kralova et Annette Becker.
Quelles sont les traces de ce passé dans la ville et dans les mémoires ? Comment se manifeste cette présence fantomatique qui articule, dans un même lieu, présence et disparition ? Comment est-elle perçue par les habitants ? -
Jardin de l'ombre / An almost nothing
François Sagnes, Philippe Bonnin
- Creaphis
- Foto Creaphis
- 11 Janvier 2024
- 9782354281991
" Réflexion sur le monde et sur la vie pour laquelle ni les pensées sur la ruine issues du XVIIIe siècle, ni celles d'une mélancolie issue du romantisme, ni les fascinations aujourd'hui en vogue pour les espaces délaissés, les friches industrielles, les végétalisations d'adventices, ni les notions de résilience ne paraissent aptes à nous donner des outils d'analyse pertinents, et me semblent pour le moins inopérantes s'agissant de cette base sous-marine. Alors quoi ?
Au fond, la photographie comme récolte ni fabrique d'images ne m'importe pas vraiment. Ce qui active ma pratique de la photographie, c'est juste de pouvoir poser des questionnements sur notre vue des choses par un certain cheminement dans l'espace, une certaine qualité de la lumière, une pierre, une herbe, une strie.
Images de réflexion. "
F. S.
Jardin de l'ombre est une suite de quatre-vingt-seize photographies sur l'espace du dessus de la toiture de la base sous-marine de Bordeaux. Les prises de vues en ont été réalisées de mai 2008 à juin 2009, à la chambre sur trépied. L'ensemble de cette série est composé en cinq parties, I à V, selon des choix déterminés d'axes de vue diversifiés, de la perspective des travées à la frontalité aux murs, ainsi que selon des distances du regard qui dictent les cadrages. Les tirages originaux, réalisés en argentique par l'auteur, ont pour dimensions selon les sous-séries : I et II : 16 x 22 cm ; III : 23,7 x 33 cm ; IV : 24 x 20 cm et V : 20 x 24 cm. Le livre reproduit cinquante-deux photographies de l'ensemble. -
Engagé dans un projet artistique d'envergure, le photographe Philippe Bazin propose une réflexion sur son travail à la lumière des photographies des autres. Il oriente sa pensée sur la question de la photographie comme document critique et réunit ses analyses d'oeuvres de photographes importants comme Lewis Baltz, Allan Sekula, Martha Rosler ou encore Bruno Serralongue, en les rapprochant de photographes moins connus comme Géraldine Millo ou Mahaut Lavoine.
Les articles rassemblés dans ce court volume sous le titre Pour une photographie documentaire critique témoignent d'une pensée féconde et cohérente prenant en compte les contextes historiques, esthétiques et idéologiques dans lesquels cette photographie se crée aujourd'hui. Chaque écrit ouvre une nouvelle facette d'un même objet d'étude. La conclusion unifie l'ensemble et propose de développer une méthodologie originale que l'auteur qualifie d'« attitude documentaire » inspirée des avant-gardes artistiques et inscrit la démarche d'écriture dans sa profondeur historique et expérimentale.
Ainsi, tout le livre se veut un manifeste prospectif pour une ouverture pragmatique, dans le sens d'une politique des images, sur l'avenir de la photographie documentaire et le monde. Chez Bazin, une distance constante est recherchée, d'avec une forme d'humanisme qui ne serait plus que de l'humanitarisme condescendant, d'avec une pure satisfaction des émotions, au profit d'un travail collaboratif aussi bien lors de la production que de l'exposition, proposant un partage du sensible pouvant réintégrer une « émotion documentaire » (selon l'expression de Christiane Vollaire). Le livre ne recule pas devant ses possibles aspects polémiques et veut créer le débat autour des rapports des images à l'espace public et d'une photographie critique comme contre pouvoir.
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Ce livre réunit 28 portraits et retranscrit en miroir les paroles de travailleurs résidant en foyer à Clichy. Cet ouvrage au format passeport est facile à faire circuler. Là il s'agit d'une sorte de passeport de sa propre mémoire (dite dans les récits de vie) à transmettre avec les photographies prises dans les lieux même de l'expérience migratoire, à travers le travail et logement.
Le choix de réaliser un ouvrage de taille modeste mais de très belle facture est lié au projet de restitution (d'où le terme merci dans le titre).
Olivier Pasquiers est photographe. Né en 1960 à Paris, a fait partie du collectif de photographes Le bar Floréal . -
Cet ouvrage collectif aborde l'oeuvre de Chris Marker par un angle original : la photographie.
Cet ouvrage collectif aborde l'oeuvre de Chris Marker par un angle original : la photographie. Cela n'exclut bien entendu par le cinéma mais le livre aborde la spécificité de la relation que Marker entretient avec le medium photo. Soulignons que ce travail n'a jamais vraiment été entrepris : les études sur Marker sont quasi exclusivement consacrés à ses films tandis que les histoires de la photographie contemporaine font l'impasse sur cette part de l'oeuvre (en France comme à l'étranger).
Intention générale Il s'agit d'une réflexion plurielle. Difficile de le définir celui qui ne s'est jamais laissé enfermé dans aucune définition. Homme-monde selon Raymond Bellour, Chris Marker (1921-2012) a traversé le court xxe siècle des historiens et l'avènement du xxie siècle. Il n'a cessé de s'intéresser à l'histoire de son siècle. Touche-à-tout de génie, ses écrits, films, vidéos, installations et créations multimédias sont traversés par la photographie, comme par un fil d'Ariane. Ces images ont accompagné le rapport du cinéaste à son temps et aux multiples espaces parcourus aux quatre coins du monde. Il a pu ainsi, dans une attitude de partage constant et selon une posture politique et artistique qui lui étaient propres, en saisir les mutations, les révolutions et les interrogations.
Il peut sembler paradoxal de proposer un ouvrage sur la photographie chez Chris Marker alors que son oeuvre est réputée être un tout, une sorte d'édifice dont on ne peut détacher aucun des éléments au risque de tout faire tomber... Mais précisément en prenant une partie de ce tout - sans rien ignorer de sa place dans l'ensemble - les auteurs de cet ouvrage cherchent à établir la spécificité et la relative autonomie de la photographie telle qu'un artiste visuel comme Marker - qui est également écrivain, cinéaste, musicien, graphiste, éditeur - la pratique et la manipule.
L'intérêt d'une réflexion plurielle, avec des spécialistes et des non spécialistes, des praticiens et des philosophes, des historiens et des artistes est de focaliser le regard sur ces aspects précis et originaux de l'oeuvre. L'ouvrage est illustré par des images photographiques (une trentaine) de nature différentes puisées dans l'ensemble de l'oeuvre de Marker.
Explication sur le titre Chris Marker avait l'habitude de signer ses films en mettant un point entre Chris et Marker. Sans doute en raison de l'abréviation de son prénom Christian, diminué en Chris, mais aussi comme un envoi, une sorte de télégramme. D'autre part la photographie est absolument collée à l'oeuvre de Marker : elle en fait partie mais on peut aussi la démarquer et l'analyser comme oeuvre autonome. Enfin, le même mot photographie désigne ici l'objet et la pratique, c'est à la fois un nom commun et un verbe conjugué au présent. -
Il y a huit millions d'années, alors que l'actuel territoire du Coiron (Ardèche) était une large vallée parcourue par une rivière, un volcan a surgi. Le magma expulsé par de nombreuses cheminées a recouvert peu à peu la vallée. L'érosion effaça ensuite les roches les plus tendres. Les sédiments marneux qui composaient les versants de la vallée furent détruits. Au cours des millions d'années qui suivirent, les couches de lave s'accumulèrent. Le plateau s'élevait, il sortait de terre comme une île. Les géologues parlent aujourd'hui de relief inversé. C'est comme si l'ancien fond de vallée avait servi de moule au plateau, ou comme si le plateau était devenu une relique de la vallée disparue.
« Ensuite il y a le corps du pays. J'appelle paysage le corps des pays, sur le plateau du Coiron et ailleurs. Le corps du pays, volcanique et émacié, est marqué, couturé, jalonné de signes, de traces tangibles. Le pays a aussi une histoire, elle est vieille comme le monde. Géologie et généalogie ne se sépareraient pas. Ici, quelque chose a eu lieu, une histoire d'érosion et d'inversion entre calcaire et basalte, on parle joliment de relief inversé ; je lis aussi que le plateau du Coiron est l'un des bastions ultimes du Massif Central, campé à l'exacte confluence des régimes climatiques méditerranéens et continentaux. Ici donc quelque chose a eu lieu dans la nuit longue des temps ; le relief et les pierres le disent, le racontent à qui veut, et sait, le voir, le toucher, le déchiffrer de l'oeil, de la main et du pied. C'est plus ou moins spectaculaire et manifeste, entre hiéroglyphes infimes, furtifs, graphiques, qu'il faut dénicher, et chicots gris ou bourrelets mafflus, dykes et necks, falaises impérieuses, plis, fentes boisées, chemins opiniâtres, éboulis, drapés qui arrêtent le regard et interrogent. » (M.-H. Lafon) En arpentant ce paysage, le photographe Antoine Picard a observé les falaises, les roches écoulées, les murs de lave enfouis dans les fissures souterraines, les pierres affleurantes. Puis il s'est approché à la rencontre des habitants d'une des fermes du plateau. Florentin, son frère émilien et leur famille vivent là. Leurs ancêtres ont ouvert la terre, taillé les chemins à coups de dynamite, cherché les sources, débroussaillé et monté les murets de pierres noires pour clôturer des prés. Eux, nouvelle génération, habitent cette surface du Plateau et constituent la strate (humaine) la plus actuelle de son histoire.
« Au commencement ils surgissent ; ils, les garçons, les deux ; ce sont des frères, ce sont des fils, des neveux, des petits-fils, des petits-neveux ; ils sont liés, reliés, ils ont une histoire, une famille, une généalogie. Ils ont de jeunes corps, affûtés, véloces, souples et drus. Ils ont des prénoms doux et sonores, chantants, accordés, Florentin et Emilien. » (M.-H. Lafon) Ils ont cherché les pierres du dessous qui remontent à la surface. Ils sont rentrés dans les grottes avec l'impression de rentrer dans la chair du plateau. Ils ont greffé les châtaigniers de leur grand-père. Ces motifs, géologiques ou agricoles racontent comment nous grandissons tous avec une histoire souterraine, enfouie dans notre mémoire. Ils évoquent notre faculté à nous arranger avec ce qui est là pour fabriquer autre chose, à nous nourrir de nos origines tout en assimilant ce qui est autour, à jouer d'une alternance entre le dessus et le dessous, le dissimulé et l'apparent.
Marie-Hélène Lafon est venue plusieurs fois, a séjourné sur le Plateau, a rencontré la famille. Les photographies en tête, elle a écrit ce texte (inédit) en deux parties, mêlant fiction et histoires quotidiennes de famille (celle des ces frères ou la sienne), décrivant son expérience du paysage d'ici tout en revenant, toujours, vers le sien, à l'autre bout, le Cantal.
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Septembre 2013 marque le quarantième anniversaire du coup d'Etat militaire de Pinochet au Chili et de la chute du président Allende. Beaucoup de Chiliens, fuyant la répression, se sont alors réfugiés en France où ils se sont implantés.
En 2003, au moment du 30ème anniversaire du coup d'Etat.Eric Facon réalise la série Hijos del exilio. Il a rencontré ces fils et filles d'exilés à Paris et à Santiago, où la moitié d'entre eux était retournée. Ce travail a été exposé au Mercato Centrale di Roma dans le cadre du Festival Internazionale di Roma en 2003, puis la même année au Museo de Arte Contemporaneo à Santiago du Chili. Ces 25 photographies ont été acquises, en 2009, par la Cité Internationale de l'Histoire de l'Immigration à Paris.
Dix ans après, que sont-ils devenus ? Créaphis a le projet de publier ces photos dans la petite collection Format passeport. Le photographe a retrouvé ces enfants d'exilés et de nouveau recueilli leurs récits.
Ce projet d'édition se situe dans une continuité et une logique éditoriales. Eric Facon appartient au collectif de photographes Le bar Floréal.photographie, dont plusieurs ont été publiés par Créaphis, notamment : Le bar Floréal.photographie (collectif), J'ai commencé à travailler, Oubliés de guerre, Tanger, côté mer, Paris/carnet périphérique et Merci aux travailleurs venus de loin (Olivier Pasquiers), Africaine (André Lejarre), Vague de Jazz (Caroline Pottier), Berlin (Alex Jordan). D'autre part, ce serait là le deuxième opus de la collection Format passeport. Cette collection rassemble des ouvrages de petit format, (106 x 150 à la française), mais de très belle facture avec une couverture à angles arrondis, contrecollée sur skinplast façon cuir, un titre marqué à chaud en lettres argentées sur la première de couverture et le dos, et des photographies imprimés en bichromie.
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On n'est pas des robots ; ouvrières et ouvriers de la logistique
Collectif
- Creaphis
- 5 Mars 2020
- 9782354281601
Que sait-on des mondes ouvriers de la logistique ? Que sait-on des gestes multiples qui font passer chaque jour des marchandises de main en main, de machine en machine ? Dans les territoires du pé-riurbain des grandes agglomérations européennes s'active une population d'ouvrières et d'ouvriers exerçant divers métiers liés aux activités de tri, de stockage, de magasinage, de préparation de commandes, de manutention et d'acheminement. Opérations complexes, à peine visibles, où il n'entre pas moins de force que de savoir-faire, dont on mesure l'importance lorsque le moindre dysfonctionnement enraye le mécanisme des flux quotidiens et lorsque les rouages de la chaîne de production se bloquent.
Les terrains de recherche en France et en Allemagne, à Marne-la-Vallée, Orléans, Dietzenbach (près de Francfort-sur-le-Main) et Kassel, ont été explorés par une équipe composée de sociologues et de photographes. Cette enquête originale a nourri deux régimes d'écriture : celui, scientifique, de l'analyse d'un milieu technique, économique et social et celui, esthétique et sensible, de la création sous la forme d'observatoires et d'itinéraires pho-tographiques.
Ce livre, retraçant des rencontres et des parcours, accorde une part importante et une grande attention à la parole et aux lieux de vie des ouvrières et des ouvriers qui affirment volontiers : « on n'est pas des robots ! » Rendre visible une partie de l'uni-vers social de ces travailleuses et travailleurs, tel est le but de cet ouvrage.
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Marcel Proust, la figure des pays
François-xavier Bouchart, Elyane Dezon-jones, Nadine Beauthéac
- Creaphis
- 9 Décembre 2021
- 9782354281762
Ce livre repose sur un double paradoxe : montrer des lieux littéraires (dont la réalité est souvent issue de l'imagination « documentée » de Proust) et laisser s'installer - dans le réel des lieux photographiés par François-Xavier Bouchart - une place pour la rêverie et la flânerie. La coïncidence esthétique repose sur la relation entre les deux formes d'écritures : littéraire et photographique. Aux « instantanés visuels » de Proust correspond la grammaire focale de Bouchart avec les différents jeux optiques, dont ceux de la narration panoramique.
Dans une sorte de travail d'archéologie visuelle, Bouchart, cherche moins à documenter l'oeuvre qu'à redécouvrir les lieux par les yeux de Proust, retrouver ce qu'il a vu dans ce qu'il voit. Il ne s'agit en aucun cas d'une illustration de La Recherche. Conscient de l'intérêt de Proust pour l'image photographique enregistreuse des temps et de lieux, Bouchart met ses pas dans les pas de l'écrivain, à la manière de Proust lui-même revisitant les « pierres de Venise » à travers les yeux du critique d'art anglais John Ruskin.
En construisant ainsi une oeuvre originale à partir des éléments dispersés d'un fragmentaire de La Recherche, le photographe a fait, en son temps (de 1971 au tout début des années 1980), un inventaire des traces qu'une disparition annoncée menaçait. Ce qui fut d'ailleurs le cas de beaucoup de ces lieux (paysages, chemins, maisons, monuments) qui sont à présents consignés dans ce livre majeur.
Le livre sert aussi la lecture concrète de Proust par la cohérence éditoriale d'un choix de lieux réels en regard avec les extraits choisis (on devrait dire « élus ») de l'oeuvre qui montrent assez la préoccupation et l'intérêt de l'écrivain pour la photographie.
L'écriture proustienne, dans son « système », met en jeu des équivalences « non exactes », des vraisemblances établies par des montages littéraires et visuels qui sont autant d'approximations, sous le règne d'une recherche autobiographique revue et « re-rêvée ». Il suffirait de se référer à la géographie des territoires proustiens pour s'apercevoir qu'ils sont comme « dénommés » et comme remplacés par des noms nouveaux où presque rien n'est changé et pourtant rien n'est pareil. Les lieux sont ainsi parfois amalgamés comme sur des photographies en surimpression où peuvent se deviner des éléments pris en plusieurs endroits pour ensuite être synthétisés. Ainsi la création de Balbec résulte d'un ensemble de clichés mentaux, mémorisés par Proust lors de séjours en Normandie littorale (et pictorale), à Cabourg, Honfleur, Houlgate, Deauville, Trouville mais aussi lors de voyages dans des stations de Bretagne et en Suisse.
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A l'occasion de la quatrième édition des Photaumnales de Beauvais, Beatrix von Conta a été invitée dans le cadre d'une résidence à travailler sur le thème de la "frontière". Parcourant la ville du centre à la périphérie, sa création coupures / reprises est constituée d'une accumulation de fragments qui crée une vision stratifiée de l'espace urbain et questionne le territoire géographique, mais aussi ses limites imaginaires, celles projetées par la photographe sur les espaces, ainsi que les frontières invisibles et métaphoriques que révèle la photographie.
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Les coupes ; portrait d'une exploitation agricole familiale
Marie-Hélène Lafon, Muriel Martin, Philippe Bazin
- Creaphis
- Foto Creaphis
- 14 Décembre 2017
- 9782354281281
Le mot « coupes » revêt toutes sortes de sens dans plusieurs domaines du monde industriel et de la vie quotidienne ; la coiffure, la couture, mais aussi le cinéma, l'architecture, la photographie... à la campagne, il évoque aussi bien l'essartage que les moissons, le bois comme le foin ou les céréales. Ainsi, la ferme du lieu-dit « Les Coupes de Pouligny » (Montigny-sur-Canne, dans la Nièvre), trouve facilement son origine. Coupe est enfin le nom d'une constellation : c'est de cette constellation paysanne et agricole d'aujourd'hui qu'il est question dans cet ouvrage, celle de la famille Martin.
L'ouvrage documente la vie quotidienne de cette famille d'agriculteurs français en 2015, partagés entre monde moderne conditionné par la technologie et tradition de longue durée. Les machines sont partout, mais on « soigne » et on tue encore les animaux selon des gestes appris et acquis de longue date. Cette transmission se poursuit même si elle est menacée de disparition. Les gestes et le corps des humains sont en harmonie avec le corps des bêtes. Ces mouvements s'inscrivent dans un espace et un temps de travail et de vie. Ils sont d'une grande beauté dont témoignent les photographies.
Le livre, conçu à l'initiative du photographe Philippe Bazin (avec la complicité de la philosophe Christiane Vollaire), est le résultat d'une approche à la fois photographique, ethnologique et littéraire d'un lieu unique, une exploitation agricole familiale (élevage et cultures) en Bourgogne. Il relève à la fois d'une enquête dont le dispositif laisse la place à la prise de parole et d'un travail photographique documentaire.
A la suite de la présentation des images sur place, Muriel Martin, fille aînée de la famille, a écrit de manière spontanée un texte. Il s'agit de son premier écrit publié, qui se situe entre témoignage et engagement et contient une indéniable dimension sociologique et littéraire. C'est l'expression d'une voix qui vient du terrain, de ceux qui, habituellement, ne prennent pas la parole.
L'autre texte, en ouverture du livre, est un inédit de la romancière Marie-Hélène Lafon qui, ayant séjourné dans ce lieu, propose une « entrée » dans ce corps de ferme.
L'ouvrage installe un lien sensible entre paroles et images, sans rien perdre de la rigueur éthique et esthétique des travaux de Philippe Bazin. Il constitue une monographie exemplaire de ce micro monde de la vie rurale, qui fait écho à d'autres portraits d'exploitation agricole comme la ferme du Garet de Raymond Depardon.
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Surtsey ; la forme d'une île
Vanessa Doutreleau, Hervé Jézéquel
- Creaphis
- Foto Creaphis
- 27 Février 2020
- 9782354281595
Surtsey est une île volcanique créée par des éruptions qui ont eu lieu de 1963 à 1967, située à environ 32 km au sud de la côte islandaise. Cet événement géo-volcanique révèle la personnalité géo-morphologique de l'Islande, située au milieu de l'Atlantique nord entre Europe et Amérique sur une sorte de charnière dorsale des plaques tectoniques. Plus de 100 volcans et des failles d'éruption sont actifs dans cette zone ce qui provoque des phénomènes bien connus comme les sources thermales et les geysers (mot issu de la langue islandaise).
Protégée dès sa naissance par un consensus international et par le gouvernement, Surtsey fournit au monde un laboratoire naturel remarquable. Libre de toute présence humaine, Surtsey est un lieu unique qui permet une observation continue : la colonisation d'une nouvelle terre par la vie végétale et animale. Elle est classée au Patrimoine mondial de l'Unesco en 2008. Elle est interdite à l'homme depuis 1964, à l'exception des quelques expéditions annuelles conduites par les géologues, ornithologues, botanistes ou entomologistes :
Les scientifiques ont vu l'arrivée de graines transportées par les courants marins puis par des oiseaux nicheurs, l'apparition de moisissures, de bactéries et de champignons. A suivi, en 1965, une première plante vasculaire, bientôt rejointe par d'autres. Dix espèces se sont établies pendant la première décennie. En 2004, on en dénombrait 60, avec 75 bryophytes, 71 lichens et 24 champignons. On a répertorié à ce jour 89 espèces d'oiseaux à Surtsey, dont 57 se reproduisent aussi ailleurs en Islande. Les 141 ha de l'île servent également d'habitat à 335 espèces d'invertébrés.
Depuis sa naissance, l'île Surtsey ne cesse de rétrécir, rongée par l'océan et les vents violents qui balaient ces régions de l'Atlantique nord. Sa superficie est passée de 2,65 km2 à 1,41 km2. Sa hauteur maximale est de 173 mètres d'altitude.
Le livre est une enquête passionnante sur cette histoire en train de se faire. Nous suivons pas à pas l'anthropologue et le photographe. Les auteurs questionnent la forme d'une île et sa capacité à produire un imaginaire en relation avec un légendaire historique et littéraire en partie « localiste » (le légendaire des « sagas islandaises » et un imaginaire scientifique et environnemental universel au coeur d'une actualité de la planète).
Le livre Surtsey, la forme d'une île joue donc sur ces deux tableaux (avec le double sens du terme « création ») et mêle autant les récits de l'île, réels et imaginaires, que les regards scientifiques et esthétiques d'un lieu interdit aux humains. Le livre invite ainsi à une rêverie sur les lieux inhabités où l'évolution d'une terre en formation peut se lire à la fois sur le terrain (en court séjour) et en laboratoire pour l'examen, la description et l'analyse des données collectées.
Au-delà de la dimension profondément poétique de l'île, il s'agit ainsi pour les auteurs de cerner la dimension humaine et sensible d'un lieu sanctuarisé, érigé en laboratoire de la création. L'histoire humaine de ce lieu n'a jamais été écrite ni même pensée, puisqu'il s'agit d'un lieu inhabité. Pourtant, une ethnographie de l'inhabité est possible du fait tant des usages scientifiques que profanes, que des représentations portées sur l'île par les Islandais, et notamment de ceux vivant sur l'île voisine d'Heimaey.
Plus encore, Surtsey interroge la notion d'appropriation d'une terre, aussi éphémère soit-elle, tant d'un point de vue physique que symbolique, et de sa mise en patrimoine. C'est aussi et surtout une relation au lieu dont il est question ici ; de l'île, objet de désir, de convoitises, de surprises, avec les hommes et femmes qui l'ont approchée, de près ou de loin, y compris les auteurs de ce livre.
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Hier, on est sorties faire des photos
Hortense Soichet
- Creaphis
- Foto Creaphis
- 22 Septembre 2022
- 9782354281922
Un quartier populaire revisité par un regard sur soi Le livre traduit en images les résultats d'une résidence d'artiste et la grande jubilation à réaliser une création collective, haute en couleurs. Hortense Soichet - qui commence à être bien connue par nos livres car c'est son cinquième livre principal et elle a participé à deux ouvrages collectifs - a séjourné pendant deux ans en résidence à Ivry-sur-Seine, dans une maison de quartier du secteur Ivry-Port fréquentée à 90 % par des femmes, essentiellement des mères de famille ou des femmes vivant seules. Elles ont été nombreuses à exprimer leur souhait de photographier à l'extérieur (d'où le titre).
Quoi photographier ?
Ivry-Port ? Certes mais finalement c'est un « ailleurs », un ailleurs construit ensemble en excluant les autres personnes du cadre, en centrant le regard sur le groupe constitué comme une petite communauté agissant dans une cosmogonie portative.
Pour une esthétique du « bégaiement photographique » Cette esthétique du bégaiement, selon le mot d'Hortense Soichet, a permis de créer un fil rouge, de faire série, de donner du corps à l'ensemble. Il rend tangible la force d'un regard collectif porté sur un sujet commun qui s'est imposé de lui-même : des femmes photographes déambulant librement dans un quartier populaire d'une ville de banlieue parisienne.
Il n'y a pas au départ de « grand sujet », de « grandes causes » à défendre, mais plutôt l'envie de s'inscrire dans le quotidien d'un lieu de vie et de rendre possible une rencontre qui fait naître un autre imaginaire des lieux au sein duquel chacune trouve sa place.
Une autre image de la photographie Dans son texte d'ouverture à ce livre, l'historien et théoricien de la photographie Michel Poivert interroge la réalité contemporaine du medium sous le titre : « Pour une autre image de la photographie ». Il souligne l'évolution de son statut au tournant de l'an 2000 et invite à distinguer photographie et image pour comprendre ce qui se joue de nos jours. Depuis plus d'une génération la révolution numérique a « libéré la photographie de sa valeur d'usage - produire des images - pour désormais fonder ses valeurs sur tout un ensemble d'activités, de réflexions, de mode de production et de création - en un mot d'expérimentations ».
C'est donc, selon lui, plus pour faire - plutôt que prendre - de la photographie - plutôt que des photographies - que s'est exercée dans ce projet une sorte d'écosophie sociale. À rebours de la notion d'auteur, devenue le tremplin vers le statut artistique du photographe, il s'est agi dans ce projet de « déconsacrer » l'attribution des photographies à un seul regard.
Poivert souligne dans le travail entrepris par Hortense Soichet la continuité d'une ligne politique qui reste à l'oeuvre dans la photographie contemporaine. Elle est ici pratiquée sur un mode radical de co-création.
Avec peu de moyens techniques l'expérience relatée dans ce livre montre que, oui, c'est possible de faire de la photographie ensemble, professionnelle et amatrices réunies dans un même lieu. Tout tient dans un projet plus pragmatique que programmatique, plutôt « co-inventif » que protocolaire. Ce ne sont finalement pas seulement les images elles-mêmes mais le chemin qu'elles empruntent pour se réaliser et ce qui se passe entre elles qui est ici montré et qui donne à cet ouvrage sa valeur universelle. Rien d'autre que ce qui a été réellement expérimenté. Photographie écosophique ? Peu importe le nom donné à ce qui a été pensé en actes -
Au rendez-vous des robins : vie d'un bistrot de campagne
Emilie Hautier, Pascal Dibie
- Creaphis
- Foto Creaphis
- 8 Décembre 2022
- 9782354281885
Émilie Hautier découvre le café « Au rendez-vous des chasseurs », dans la campagne de Saône-et-Loire, au hameau des Robins, durant l'été 2005. Elle y revient régulièrement durant une dizaine d'années avant d'entreprendre un travail photographique, pour raconter ce qui se passe là, faire toucher l'atmosphère de ce bistrot rural.
Le lieu ne répond pas aux critères attendus du café : l'enseigne apposée au mur annonce bien « CAFÉ au Rendez-vous des chasseurs », tandis que les images sont celles d'une grande table rassemblant des habitués. Ils se retrouvent chez « Dame Ginette » à l'heure du café pour lire le journal, pour l'apéritif, ou pour jouer aux cartes le soir.
Dans de nombreux villages aujourd'hui, les cafés ferment, un lieu de la sociabilité rurale disparaît. « Dame Ginette » résiste.
Pascal Dibie, fin analyste des espaces campagnards, est sensible lui aussi à cet « endroit où on peut pour un temps clore ou plutôt enclore son monde, juste de façon à ne pas s'en échapper totalement tout en le quittant un peu quand même (...). Petit bistrot du fond des bois qui inquiète le passant mais rassure les présents, qui sent l'humus et la disparition, bistroquet des lisières et des écluses qui réchauffe les mariniers et inspire Simenon, bistrots des bords de ville qui abreuve sa marge, établissement reconnu du centre-ville, partout on rejoint un bistrot ou son homonyme le café comme on gagne le paradis. » Les photos d'Émilie Hautier et le texte de Pascal Dibie suggèrent cette atmosphère chaleureuse, rassurante et pourtant empreinte de solitude, souvent au bord d'une dérive. C'est une atmosphère qui est donnée à ressentir, c'est un récit de ce monde en marge, rural, rude et tendre. -
Le milieu de nulle part
Philippe Bazin, Christiane Vollaire
- Creaphis
- Foto Creaphis
- 25 Octobre 2012
- 9782354280666
Le Milieu de nulle part est issu du travail commun fait, durant l'été 2008, par la philosophe Christiane Vollaire et le photographe Philippe Bazin dans dix-huit centres d'hébergement ou de rétention de réfugiés essentiellement tchétchènes en Pologne.
Ce travail articule les exigences esthétiques et politiques de la photographie documentaire (la série Antichambres) aux exigences réflexives et relationnelles de la philosophie de terrain.
Un livre pour affronter la violence et la question du droit Le texte est nourri des entretiens menés avec des demandeurs d'asile de tous âges et de toutes conditions. Ils disent quels dangers, quelles violences, quelle impossibilité de vivre sur leur territoire d'origine, les a poussés à la fuite, hors d'un pays devenu un Etat de non-droit, livré à des puissances maffieuses plus violentes encore que les systèmes féodaux qui les ont précédées : rackets, enlèvements, trafics d'organes ou d'êtres humains en sont le lot quotidien.
Mais ils disent aussi, sur le pays d' " accueil ", tout ce qui transforme le séjour en une véritable course d'obstacles, un nouveau parcours du combattant. Ce parcours n'est pas seulement hérissé de barbelés physiques, mais d'obstacles symboliques, dressés par des textes juridiques absurdes, iniques, en mutation permanente, impossibles à comprendre et à maîtriser.
Un livre pour entendre des réfugiés qui pensent leur devenir politique Ce livre ne veut en aucun cas offrir les réfugiés à la représentation victimaire dont ils sont trop souvent l'objet, au traitement humanitaire auquel on réduit trop souvent les exigences du droit. Pas plus qu'il ne veut réduire leur parole à celle d'un " témoignage " brut destiné à devenir pour d'autres un matériau de réflexion. Les personnes interrogées, quel que soit leur milieu d'origine, sont d'abord des sujets qui pensent leur propre histoire, la réfléchissent, et réfléchissent à travers elle une histoire qui est au-delà de la leur, et dans laquelle ils ont pleinement conscience de s'inscrire : celle du droit, celle d'un devenir politique.
Un livre pour articuler philosophie et photographie Aux trois moments du texte (passé, présent, futur) répondent trois moments photographiques : celui des chambres où sont regroupées les familles, réservant à chacune ce minimum d'intimité que traduit, dans la précarité des lieux, tel choix décoratif, telle disposition des couleurs ; celui des salles communes, où l'intimité n'est plus préservée que par la verticalité des couvertures tendues ; celui enfin des lieux de rétention, univers totalement standardisé de la géométrie carcérale.
L'esthétique radicale de la photographie documentaire vient donc ici scander en contrepoint la dynamique du texte. Ceux à qui la parole est donnée dans le texte n'apparaissent à aucun moment dans les images, qui ne présentent que les lieux. Et là où le texte opère une remontée du passé vers le futur, les images opèrent en résonance une descente des espaces encore relativement libres à ceux de l'incarcération.
Mais le texte et les images sont animés d'une force identique, communiquée au photographe comme à la philosophe par ceux qu'ils ont rencontrés, et dont ils se sont nourris pour élaborer ce travail en commun : l'exigence documentaire, comme l'exigence philosophique, dans leur volonté de dire et de montrer, affirment, aussi loin des mensonges d'une prétendue " neutralité ", que des naïvetés d'un apitoiement émotionnel, la puissance vivifiante de la colère.
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Ces pionniers, néo-banlieusards , inventèrent d'abord seuls, puis sous la tutelle de l'État républicain, des quartiers entièrement nouveaux. Le contexte de l'intervention de l'État est particulièrement bien situé avec l'émergence des lois Sarraut et Loucheur en 1928. L'ouvrage montre grâce à une exploration de sources inédites, les capacités de la société civile à créer son propre espace urbain. essentiel pour mieux comprendre les formes urbaines actuelles dans la périphérie des métropoles; ce livre passionnant révèle un vrai talent de l'écriture de l'histoire.
Grand format 22.87 €Indisponible
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Ce livre rassemble 58 photographies inédites provenant d'un fonds découvert en 1980 dans une benne à gravats. Il s'agit de vues extérieures datées de 1943 du Marais, quartier emblématique de Paris. Paris en son cour géographique et dans un moment particulier de son histoire. La photographie est ici « inventée » au sens archéologique du terme, c'est-à-dire mise au jour par une découverte d'un fonds en grande partie inédit et inconnu.
Patrice Roy, architecte, plasticien et collectionneur, enquête sur ces tirages : ils proviennent d'une commande officielle passée dès 1941 par la Ville de Paris et la préfecture de la Seine, sous contrôle de l'occupant allemand, à des photographes professionnels, Cayeux et Nobécourt. Frontalité, grand angle, perspectives redressées par bascule et décentrement du plan film, tirage sur papier mince glacé et soigneusement annoté au verso, leurs éléments constitutifs révèlent un style documentaire opératoire et fonctionnel.
La France est à ce moment-là sous le régime de Vichy et le projet urbain est envisagé de manière radicale et autoritaire comme une opération résolument moderne, sanitaire et comme remède à l'insalubrité. Cette campagne photographique fixe l'image de ces rues parisiennes, inscrites dans des îlots déclarés insalubres et promises à la démolition, en vue d'accréditer la thèse de l'insalubrité. Il s'agit de construire l'image du quartier systématiquement pour justifier une opération de « curetage » et assainir le quartier comme pour mieux l'assassiner. La plupart des ces lieux ont disparu sous la pioche des aménageurs. En préface du livre, Isabelle Backouche, historienne spécialiste de l'histoire de Paris, donne un éclairage précis sur cet épisode de la transformation urbaine de la capitale.
Le « Vieux Paris » est ici visité comme un inventaire avant décès, avant disparition. Ces immeubles retrouvés, ces coins de rue et ces morceaux de quartier sont comme les vestiges d'un autre monde en apparence figé mais dont les traces et les stigmates multiples offrent à qui veut les lire un renseignement très précieux sur les manières d'y habiter et d'y travailler. Les détails de leurs intérieurs, les visages et les postures de leurs occupants sont autant d'indices d'un Paris industrieux et actif dans des demeures en partie non entretenues, dans un monde de briques et de pierres, de plâtre et d'ardoise, de bois et de fer. Cet ensemble d'images constitue un document d'ensemble d'une très grande cohérence.
Il en résulte une forme tout à fait étonnante empreinte d'une esthétique involontaire qui fait de cette série des portraits d'immeubles (selon l'expression de Patrice Roy) dont la lecture se fait à plusieurs niveaux d'approche. Il invite le lecteur à regarder attentivement les images à travers ses gloses : décrire, observer, imaginer, dénicher à la loupe des fantômes. Il propose également une histoire de chaque lieu photographié par un index précis.
Ces photographies constituent une approche architecturale, historique et anthropologique du quartier parisien du Marais.
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Cadets coulisses
Frédéric Helleux, Sylvain Demange
- Creaphis
- Foto Creaphis
- 5 Octobre 2017
- 9782354281250
Dans cette suite en noir et blanc, Sylvain Demange explore les coulisses du plus grand cirque amateur de France, le Cadets' Circus, créé en 1927 à Étréchy (Essonne). Derrière le rideau, le photographe a choisi l'envers du décor pour saisir l'intimité et le quotidien des entraînements et des répétitions jusqu'à la tension qui précède le spectacle. Les images donnent à voir, de la salle au chapiteau, la volonté au sein de cette « école de la vie » de partager, d'apprendre et de transmettre. Le livre documente par un point de vue d'auteur une pratique amateur largement partagée dans la société.
Dès que le mot « cirque » est prononcé les images affluent. Trapèze et funambule, clowns et dompteurs, magiciens et phénomènes... Souvenirs teintés de mélancolie où se mêlent larmes et fous rires, admiration et ébahissements, illusions et doutes.
La force de l'amateur tient à sa disponibilité, à son bénévolat, à son aptitude à inventer le quotidien. La planète amateur - à l'abri des regards et encore peu explorée - est habitée par des détenteurs de savoirs et de créations de toutes sortes. Leurs productions et les passions qui les animent prennent souvent à contrepied le terme péjoratif d'amateurisme. Production technique, sociale et culturelle, les faits amateurs sont toujours construits d'un savant mélange d'expérience et d'expertise. Entre sport, art et loisir, une école de cirque amateur est un terrain privilégié d'observation.
S'agissant du Cadets' Circus, l'émotion que procurent les moments du spectacle où le tour de force, l'illusion et la magie sont souverains est à la mesure de l'exigence, de la persévérance et de la volonté d'une communauté qui n'a d'autre ambition que de partager en toute convivialité le goût de la piste et des étoiles.
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Par nos fenêtres : vues d'Ivry-sur-Seine
Ianna Andréadis, Danièle Méaux
- Creaphis
- Foto Creaphis
- 9 Décembre 2021
- 9782354281755
D'avril 2020 à avril 2021, dans la période si particulière des confinements successifs, l'artiste Ianna Andreadis a invité les habitants d'Ivry à participer depuis chez eux à un projet de photographie partagée. La règle du jeu a été donnée d'emblée : prendre une vue de la ville depuis leur fenêtre, en incluant le cadre de celle-ci, frontale et axiale, sans déformation exagérée des perspectives. Le résultat produit un panorama spectaculaire et très varié de la ville, où chacun exerce un regard entre l'intime du chez-soi et son extérieur familier, du plus proche au plus lointain. Recouvrant tous les quartiers, les points de vue alternent entre motifs architecturaux emblématiques de la banlieue parisienne et paysages d'une apparente banalité. Identification d'une ville avec son coeur et ses marges, ses horizons et ses vues sur cours, places, rues et cités, ses matériaux de béton, brique et ses végétaux...
Ces vues expriment l'emprise du temps : le temps qui passe (ou qui ne passe pas) - heures, jours, saisons, le jour et la nuit ; le temps qu'il fait - neige, pluie et soleil sous d'extraordinaires ciels d'Ile-de-France. L'ensemble compose un tableau collectif de la ville d'Ivry et forme le catalogue sensible des manières d'y habiter.
Le texte d'Ianna Andréadis dévoile une partie du processus de cette « fabrication urbaine plurielle » qui peut s'adapter à d'autres villes comme elle l'a déjà fait pour Athènes (Fenêtres d'Athènes, éditions Agra, 2016).
Danièle Méaux poursuit ici une réflexion féconde sur ce qu'elle nomme les « géo-photographies » et s'interroge sur le sens de la photographie collaborative.
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La beauté des photographies de François Sagnes, l'exceptionnelle qualité de leur reproduction, font de cet ouvrage l'un des plus beaux livres de photographies de ces dernières années.
Un livre "fondateur" pour les éditions Créaphis.
Grand format 40.00 €Indisponible