Philippe Rey
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La jeune Tina nait en 1896 près de Venise, dans une famille très pauvre, qui se trouve contrainte d'émigrer aux états-Unis pour survivre. Tina fascine tôt par sa beauté et sa forte personnalité : engagée à son arrivée comme ouvrière dans le textile, elle devient mannequin puis actrice, mais préfère la vie de bohème de San Francisco où elle rencontre le célèbre photographe Edward Weston. Le couple part s'installer au Mexique : ils parcourent le pays, photographiant les paysans et la vie quotidienne, fréquentent le milieu artistique de Mexico - Diego Rivera, Frida Kahlo. Profondément touchée par la misère du peuple mexicain, Tina s'engage auprès des communistes et fait ainsi la connaissance de Julio Antonio Mella, le fondateur du parti communiste cubain, dont elle tombe follement amoureuse. Mais, seulement quelques mois après, il est assassiné en pleine rue. Trainée dans la boue pour sa vie « dissolue », Tina est bientôt emprisonnée, puis expulsée du pays.
Une vie d'errance commence alors, Berlin, puis Moscou. Tina se radicalise. En adhérant à la pensée soviétique, elle entre littéralement en religion : plus d'amis, plus de photos, plus d'art, une vie de clandestinité. À la fin de la guerre, lorsqu'elle souhaite rentrer, les États-Unis la refoulent vers le Mexique où elle passera les deux dernières années de sa vie, fuyant tous ses anciens amis. L'ancienne égérie des artistes à l'allure de vieille dame n'a que 48 ans lorsqu'elle meurt d'une crise cardiaque à l'arrière d'un taxi. à moins qu'elle n'ait été assassinée ?
Avec l'exactitude de la biographe et le souffle de la romancière, Bernadette Costa-Prades nous entraîne dans le bouillonnant Mexique post révolutionnaire et l'Europe tourmentée des années 30, pour nous faire découvrir une femme libre et fascinante.
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" Tout mon être était d'Afrique du Nord, berceau historique des tribus berbères. C'est à quarante-cinq ans passés que j'ai pris la pleine conscience de cette lointaine appartenance. Il était temps d'amorcer un rapprochement, de partir à la découverte, de comprendre pour mieux aimer. Mais avant d'entreprendre le voyage, j'ai voulu récapituler ce que je savais. J'ai remonté le fil de mon existence pour repérer ce que je n'avais pas vu, pas saisi, de ce monde berbère qui m'avait fait signe sans que je lui réponde. La mémoire offre de beaux voyages, surtout quand on chevauche des mots. " C'est effectivement à un " beau voyage " que nous convie Éric Fottorino, une quête infiniment personnelle qui devient passionnante découverte : une région, une histoire, des traditions millénaires, une langue, un peuple, des peuples car, comme s'en amuse l'historien Gabriel Camps, il est finalement plus facile de citer les pays d'où ne viennent pas les Berbères, tant leurs origines sont partout, ou presque, du Nil à l'Afrique noire, de l'Inde aux contrées nordiques.
De Ouarzazate à Fès, en passant par les gorges du Thodra, la vallée du Dadès et les dunes de Merzouga, accompagné par les superbes photographies d'Olivier Martel, Éric Fottorino raconte les Berbères, juifs et arabes, femmes façonnant l'argile et hommes cultivant la terre, artisans et commerçants, opposants politiques et cinéastes engagés. Il prolonge aussi la quête des origines qui est la sienne et qu'il a racontée dans ses deux ouvrages L'homme qui m'aimait tout bas et Questions à mon père, en allant vers la Tunisie de son père adoptif et le Maroc de son père naturel. Il évoque finalement le rôle important (et généralement tu par les médias) des Berbères dans les récentes révolutions arabes, surtout en Libye.
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Le nom seul de Florence éveille la nostalgie d'une époque où sur quelques kilomètres carrés se sont trouvés réunis tant d'hommes exceptionnels, où en trois siècles éblouissants toute la modernité est née. Les plus grands bâtisseurs, les plus grands peintres, les plus grands sculpteurs, la perspective, la coupole, le théâtre à forme ovale, les premiers opéras, les lois de la pesanteur, le télescope, la banque, que ne devons-nous pas à Florence ?
C'est le lieu du monde où la beauté du corps humain a été reconnue pour la première fois depuis l'Antiquité, adulée jusqu'à la vénération, immortalisée sous les deux espèces du David de Michel-Ange et de la Vénus de Botticelli, icônes qui ont fait le tour du monde.
Dominique Fernandez nous raconte la prestigieuse histoire de Florence, la prise de pouvoir et le règne des Médicis, décrit les figures de Dante, Machiavel ou Savonarole, parcourt les lieux phares comme Santa Croce ou Santa Maria Novella, visite le Dôme de Brunelleschi, les créations de Michel-Ange, les singularités des étonnants et trop méconnus peintres maniéristes...
Illustré par les splendides photographies de Ferrante Ferranti, ce livre ne nous fait perdre aucune des innombrables beautés de la « cité du lis », cette Florence encore aujourd'hui si vivante et si brillante.
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« J'ai été quatre fois à Palmyre : c'était le lieu le plus enchanteur de l'Orient, à la fois par la beauté exceptionnelle des ruines et par le paysage romantique qui les entourait. Maintenant que tout est détruit, j'ai voulu me souvenir de ce que cela avait été.
On arrivait à l'hôtel Zénobie, désuet, décati, construit dans l'enceinte du site, et d'emblée la légende de la grande reine planait sur la ville qu'elle avait portée à son apogée. Je ressuscite l'image de Zénobie qui avait osé se dresser, femme et Arabe, contre l'empereur romain Aurélien, chef de l'État le plus puissant du monde. Puis j'évoque ce qui restait du site, l'idée générale qui avait présidé à son ordonnancement, avant d'examiner en détail, mais toujours plus en amoureux qu'en érudit, les monuments qui ont subsisté, si poétiques : le théâtre, les temples, les tours funéraires. Avant de conclure par une réflexion sur l'iconoclasme, une des plus vieilles passions de l'homme, qui pousse une idéologie au pouvoir à faire table rase de celles qui l'ont précédée. » Dominique Fernandez.
Voici Palmyre racontée et montrée par deux voyageurs passionnés qui l'ont visitée à de nombreuses reprises. Ce site inouï, détruit en 2015 par la violence de Daech, est reconstitué par les photographies de Ferrante Ferranti qui en donnent une vision exhaustive (temples, agora et théâtre, colonnades et arches, camp de Dioclétien, tombeaux), faisant ainsi oeuvre de mémoire.
Palmyre apparaît alors dans sa splendeur, telle qu'on ne la reverra jamais.
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« Chanteuses, danseuses, comédiennes, femmes aimantes, femmes aimées, femmes solaires, femmes crépusculaires, femmes fardées, femmes de tous les jours, femmes du dimanche, femmes de tête, femmes de fête. Femmes de mémoire, femmes d'avenir. Femmes.S'il existe un éternel féminin, mélange de grâce et de persévérance, de coquetterie et de fierté, de fiabilité aussi, de courage à l'effort et de don aux autres, alors Olivier Martel peut se targuer de l'avoir saisi à travers ces instantanés venus du monde entier » (Eric Fottorino). Loin d'être une tentative d'inventaire ce livre illustre une formidable chaîne humaine, dont chacune de ces femmes est un point d'attache : travaillant dans un champ de manioc en pays Agni ou une rizière au Vietnam ; fêtant la semaine sainte au Mexique ou le nouvel an chinois à Singapour ; apprenant l'art de l'opéra à Taipei ou celui d'être une « miss » à Mumbai ; portant la tradition à Pont-Aven ou le Flag Day sur Wall Street.
Dans les Territoires palestiniens comme sur les hauteurs du Guatemala, dans un temple au Cambodge ou une abbaye en France, les photos d'Olivier Martel et leurs lectures subtiles et poétiques par Eric Fottorino nous invitent à célébrer les femmes éternelles.
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Fulgurant destin que celui de Hugues Costa, qui s'éloigne de l'École normale supérieure pour voyager et photographier l'Inde. Au bout de huit mois, après des milliers de kilomètres parcourus et six mille clichés pris, il meurt d'une hépatite virale à Delhi, en mars 1981. Il a vingt-deux ans. Il ne verra jamais ses photographies.
Élisabeth Foch, s'appuyant sur le journal de voyage de Hugues Costa, a revisité les dernières étapes de cette vie. Arpentant par l'écriture ces lieux qu'elle connaît et qu'a parcourus le photographe - des hauteurs du Ladakh aux bords du Gange -, elle s'attache avec poésie et humour à décrire les surprises et les complexités de la civilisation indienne.
Entre carnet de voyage, rêverie littéraire et flânerie visuelle, son texte offre une approche personnelle d'un monde qui fascine et bouscule. Il éclaire ainsi les photographies d'un jeune homme à qui la mort ne permit pas de développer un talent étonnant de sensibilité et de promesses.
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Au cours des cinquante dernières années, la photographe finlandaise Irmeli Jung a constitué une galerie de portraits parmi les plus remarquables.
Peu après son arrivée en France, à la fin des années 60, sa photo de couverture d'un disque de Juliette Gréco marque le début d'une longue collaboration. Elle signera des pochettes et affiches pour Barbara, Jean Ferrat, Anne Sylvestre, mais aussi Angélique Ionatos, Jane Birkin ou Anna Prucnal.
Au début des années 80, les plus grandes maisons d'édition font appel à son talent, de même que Le Monde des Livres dont elle sera longtemps la photographe exclusive. C'est le temps de ses premiers portraits d'écrivains, dont certains ont fait le tour du monde : Aimé Césaire, Marguerite Yourcenar, Patrick Modiano, JMG Le Clézio... Les personnalités du cinéma - de Lauren Bacall à Liv Ullmann - comme de la musique - Yehudi Menuhin, Luciano Pavarotti - ne la sollicitent pas moins...
Dans ce livre, Irmeli Jung nous présente les plus beaux portraits qu'elle a réalisés, raconte le lien souvent affectif qui l'unissait à ses modèles. Elle nous fait également part d'impressions personnelles et d'anecdotes inédites qui, accompagnées du texte de Julien Cendres, révèlent une vie et une oeuvre exceptionnelles.
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La Birmanie, où le temps semble suspendu, est une étape particulière dans les multiples voyages en Asie de Jean-Marc Payot et Elisabeth Foch. Le long des routes, au fil de l'eau, de village en pagode, de monastère en cour de ferme, ils parcourent un pays irrigué par l'un des plus grands fleuves au monde : l'Irrawaddy, qui s'étire de l'Himalaya à la mer d'Andaman. A travers leurs itinéraires respectifs, ils découvrent des habitants qui puisent dans le bouddhisme la force de résister à une junte au pouvoir depuis près d'un demi-siècle. Révélant un quotidien scandé par les crues et décrues du fleuve nourricier, les fêtes et les rituels, les offrandes et l'enseignement, ce livre est un hommage à al dignité du peuple birman.
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Depuis vingt ans, La Chaîne de l'Espoir refuse la détresse des enfants qui n'ont pas eu la chance de naître dans un pays où l'accès aux soins est assuré pour tous. Elle n'a de cesse de tout mettre en oeuvre pour réparer cette injustice : un enfant est sauvé ici mais condamné là-bas. Sous l'impulsion du professeur Alain Deloche, des équipes partent pour opérer, construire et transmettre leur savoir. Ce formidable réseau de solidarité aide des milliers d'enfants à travers le monde - des centres médicaux ouvrent, l'un après l'autre, en Thaïlande, au Cambodge, au Mozambique, à Dakar, à Kaboul, etc. - et, dans les cas trop difficiles, l'association fait venir en France ces jeunes malades de pays démunis.
Outre des médecins engagés - Alain Deloche, Éric Cheysson, François Xavier Roux, Philippe Valenti, Daniel Sidi - des écrivains - Enki Bilal, Marie Desplechin, Éric Fottorino, Dan Franck, Bernard-Henri Lévy, Erik Orsenna, Patrick Poivre d'Arvor et Serge Raffy - ont pris la plume. Leurs textes viennent commenter avec sensibilité les photographies de Bernard Matussière qui porte un regard sans pareil, plein de retenue, et d'une poignante humanité sur ces jeunes malades. Son objectif a su saisir dans leur vérité ces douleurs, mais aussi ces espoirs, du monde contemporain.
Un livre fort, qui rend hommage au travail de La Chaîne de l'Espoir et à son objectif ultime : construire l'avenir, celui d'un enfant, celui d'un pays, l'avenir du monde.
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La photographie à développement instantanée accompagne Andreï Tarkovski dans la dernière partie de son oeuvre : en Russie lorsqu'il mûrit la décision de quitter pour toujours sa patrie, et en Italie, lorsqu'il tourne, avec Tonino Guerra,Temps de voyage et Nostalghia, en cherchant un lieu où se construire une demeure pouvant accueillir non seulement sa femme Larissa, en exil avec lui, mais aussi son fils Andreï, resté douloureusement loin, otage du pouvoir soviétique.
De ces polaroids en couleurs, pourtant de petite dimension, jaillissent toute la force et la douceur de la lumière qui les a modelés à travers les yeux et le coeur de l'auteur. Si l'on se penche vers eux avec attention, alors on peut y percevoir l'univers profondément personnel de Tarkovski. Un univers que Dominique Fernandez qualifie de « nostalgie de ce qui n'est pas tout à fait de ce monde, de ce qui renvoie aux conditions incertaines où toute chose flotte et part à la dérive... »